La réaction de l'administration américaine de Donald Trump a offert un frappant contraste avec ce tollé, le département d'Etat et la Maison Blanche se refusant à commenter cette loi qui autorise l'Etat israélien à légaliser des colonies sauvages et à s'approprier des terres palestiniennes.
Pour ses promoteurs, la loi protégera les colons d'évictions, en allusion à la colonie sauvage d'Amona qui vient d'être démantelée sur ordre de la Cour suprême israélienne.
D'ailleurs, les défenseurs des droits de l'homme et de la cause palestinienne ont annoncé leur intention de saisir la Cour suprême pour faire annuler le nouveau texte.
De Londres au Caire -siège de la Ligue arabe-, en passant par Paris, Berlin, Bruxelles, Ankara ou Amman, la loi a suscité des condamnations, la communauté internationale s'inquiétant d'un nouveau coup porté à une paix insaisissable entre Israéliens et Palestiniens.
Aussitôt la loi adoptée, les Palestiniens ont réclamé des sanctions. "Une telle loi signifie l'annexion définitive de la Cisjordanie", s'est alarmée la dirigeante Hanane Achraoui appelant à des "sanctions" internationales contre Israël.
Le président Mahmoud Abbas, en visite à Paris, a dénoncé "une agression contre le peuple" palestinien et un "vol des terres palestiniennes privées".
'Survie politique'
Adoptée lundi soir par le Parlement israélien (60 voix pour et 52 contre), la loi autorise l'Etat à s'approprier, contre compensation, des terrains privés palestiniens en Cisjordanie sur lesquels des Israéliens ont construit sans autorisation.
Elle devrait revenir à légaliser 53 colonies dites sauvages et à exproprier au minimum plus de 800 hectares de terres palestiniennes, selon l'organisation israélienne anticolonisation La Paix maintenant.
Le patron de l'ONU Antonio Guterres a averti que la loi, "en infraction avec la loi internationale", aura "d'importantes conséquences juridiques pour Israël". Et pour le coordinateur de l'ONU pour le processus de paix, Nickolay Mladenov, une "ligne rouge très épaisse" a été franchie sur la voie d'une annexion de la Cisjordanie.
Federica Mogherini, la chef de la diplomatie de l'Union européenne, a exhorté Israël à "ne pas mettre en oeuvre" la loi qui "franchit un nouveau seuil dangereux".
La Paix maintenant a quant à elle jugé que le Premier ministre Benjamin "Netanyahu (faisait) du vol la politique officielle d'Israël". Ceci "pour satisfaire un petit groupe de colons extrémistes et assurer sa survie politique", a déclaré l'organisation anticolonisation.
En revanche, l'administration Trump s'est gardée de réagir. La nouvelle loi devrait être attaquée devant la Cour suprême, et "l'administration Trump se gardera de (la) commenter avant toute décision de justice", a dit un responsable du département d'Etat.
Sean Spicer, le porte-parole de la Maison Blanche, a lui aussi refusé de se prononcer, en attendant la visite de M. Netanyahu qui rencontra le 15 février à Washington M. Trump.
Depuis son investiture le 20 janvier, M. Trump a gardé ses distances face à une rafale d'annonces israéliennes sur la colonisation, enhardissant (dit-on) une droite israélienne qui voit dans son administration le début d'une nouvelle époque.
Cour suprême, CPI
Une grande partie de la communauté internationale voit dans les colonies un obstacle à la solution de deux Etats, israélien et palestinien, coexistant pacifiquement.
Mais les défenseurs des colons sont convaincus que ces terres reviennent par la Bible à Israël. "Toute la terre d'Israël appartient au peuple juif", a dit le ministre des Sciences Ofir Akounis. "Ce droit est éternel et incontestable".
Au sein du gouvernement considéré comme le plus à droite de l'histoire d'Israël, certains ministres prônent ouvertement l'annexion de la Cisjordanie.
La loi soulève néanmoins des interrogations quant à sa conformité avec les textes fondamentaux israéliens et le droit international.
C'est la première fois qu'Israël applique sa loi civile en Cisjordanie, non seulement à des individus mais à des terres reconnues comme palestiniennes, selon le professeur de droit Amichai Cohen.
Le procureur général Avichai Mandelblit a prévenu que le texte ne résisterait probablement pas à l'examen de la Cour suprême et qu'en plus il exposait Israël aux poursuites de la Cour pénale internationale (CPI).
"Le train qui se met en branle aujourd'hui a pour terminus La Haye", siège de la CPI, a dit le chef du parti travailliste israélien Isaac Herzog.
"Les responsables israéliens poussant à la colonisation devraient savoir que l'administration Trump ne peut pas les protéger de l'examen de la CPI", selon Human Rights Watch.
Le député Bezalel Smotrich, l'un des plus ardents défenseurs de la loi, a lui remercié les Américains pour avoir élu président Donald Trump, "sans lequel la loi ne serait probablement pas passée".
Avec AFP