Une opposition divisée s'engage dans les législatives au Gabon

L’opposant Jean Ping, au centre, au milieu de ses partisans et gardes du corps à Libreville, Gabon, 5 juillet 2017.

L'opposition gabonaise est divisée et ne cache plus ses divergences à l'approche des élections législatives, annoncées pour fin avril mais incertaines.

Le principal opposant Jean Ping, ancien candidat à l'élection présidentielle de 2016 dont il revendique toujours la victoire, "n'est pas opposé" à la participation de l'opposition aux législatives à venir, affirme un de ses proches.

Mais "comment peut-il y aller, alors que ce sont les mêmes institutions qui ont validé son échec à l'élection de 2016 ?", s'interroge auprès de l'AFP Wilson-André Ndombet, enseignant à l'Université Omar Bongo de Libreville.

Ces législatives, déjà reportées deux fois, sont la première échéance politique majeure au Gabon depuis l'élection présidentielle de 2016.

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Mais sur ce scrutin plane le spectre des législatives de 2011, boycottées par l'opposition, qui avaient donné les pleins pouvoirs législatifs au parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG) avec 114 sièges sur 120.

Un boycott "ne réduirait-il pas au silence tous ceux qui ont massivement apporté leurs suffrages à Jean Ping ?", se demandait mercredi lors de sa déclaration de candidature Alexandre Barro Chambrier, fervent soutien de Ping et président du nouveau parti Rassemblement Héritage et Modernité (RHM).

Nombre des soutiens de Ping ont ainsi annoncé leur volonté de participer. En plus d'Alexandre Barro Chambrier, deux autres poids lourds de l'opposition autour de Ping sont lancés dans la course: Zacharie Myboto du premier parti d'opposition l'Union nationale (UN), et Guy Nzouba-Ndama du parti Les Démocrates.

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De fait, il n'y a plus de front uni de l'opposition, comme lors de l'élection présidentielle de 2016 où une grande partie des opposants s'étaient rassemblés derrière la candidature de Jean Ping. Depuis, certains se sont rapprochés du pouvoir et ont glané des postes ministériels ou à responsabilité.

La presse gabonaise différencie ainsi l'opposition "radicale" - autour de Ping - de la "modérée", rassemblant ceux qui ont accepté de discuter avec le gouvernement lors du dialogue politique organisé en mars 2017 par le pouvoir.

Parmi ces "faux opposants", selon l'opposition autour de Jean Ping, figurent d'anciens proches du candidat, comme Pierre-Claver Maganga Moussavou, devenu vice-président au gouvernement sous la bannière de l'opposition, ou encore René N'Demezo Obiang, promu un temps président du Conseil économique et social.

Législatives sans date

Les divisions de l'opposition ont été flagrantes avec la mise en place du Centre gabonais des élections (CGE), chargé de l'organisation des législatives, annoncées pour le 28 avril mais dont la date n'a pas été communiquée officiellement.

L'opposition devait déposer une liste unie pour 5 représentants au CGE. Vendredi, quatre rassemblements de l'opposition ont présenté quatre listes différentes, comprenant aussi l'opposition modérée.

Lundi, le ministère de l'Intérieur "a tranché", selon son porte-parole Jean-Eric Nziengui Mangala, en faveur de l'élection des membres d'une commission ad hoc chargée d'examiner les candidatures et ceux d'un collège spécial pour élire le président du CGE.

Le CGE, créé en 2017 suite aux résolutions d'un "dialogue politique" boycotté par une partie de l'opposition, devra être composé de cinq représentants du pouvoir et cinq de l'opposition.

Sans ces représentants, l'organe ne pourra fixer la date des élections, qui devaient se tenir en 2016 et qui pourraient de fait être une nouvelle fois reportées, selon plusieurs observateurs.

Du côté du pouvoir en place, les candidats sont en ordre de bataille, selon le secrétaire général du PDG, Eric Dodo Bounguendza, qui revendique 200.000 militants et "une dizaine" de partis alliés.

La politique du Gabon, pays pétrolier de moins de 2 millions d'habitant, reste à ce jour très marquée par la crise politique ayant suivi l'élection présidentielle de 2016.

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Des violences inédites avaient eu lieu après la réélection d'Ali Bongo Ondimba, en raison de résultats contestés par l'opposition et mis en doute par l'Union européenne et la Francophonie.

Jean Ping, témoin dans une affaire judiciaire, est interdit de sortie du territoire. Ses comptes bancaires sont gelés depuis novembre 2015 dans le cadre d'une autre affaire.

Avec AFP