Une sénatrice camerounaise enlevée dans la zone anglophone

L'Ambazonie est le nom donné, par ceux qui réclament leur indépendance, aux régions du Nord-Ouest du Sud-Ouest, peuplées principalement par la minorité anglophone.

Une sénatrice du parti du président Paul Biya a été enlevée samedi avec son chauffeur par des indépendantistes dans le nord-ouest anglophone du Cameroun, en proie à un sanglant conflit séparatiste, ont indiqué lundi des sources administrative et militaire.

"Elizabeth Regina Mundi a été kidnappée samedi en fin de matinée à Bamenda par des terroristes", a déclaré à l'AFP sous couvert de l'anonymat un haut responsable des services du gouverneur de la région du Nord-Ouest, dont Bamenda est le chef-lieu.

Les ravisseurs sont du groupe armé séparatiste Ambazonian Defence Forces (ADF), a assuré la même source mais "deux branches de ce mouvement revendiquent l'enlèvement", a-t-il précisé: "la première exige la libération de certains des leurs détenus, l'autre une rançon".

"La sénatrice se rendait de Bamenda à son village pour assister à un enterrement, les séparatistes l'ont enlevée sur la route, ainsi que son chauffeur", a confirmé à l'AFP un responsable de l'armée dans la région, sous couvert de l'anonymat, évoquant les mêmes exigences des ravisseurs.

Dans une vidéo datée de samedi circulant sur les réseaux sociaux et authentifiée par le responsable du gouvernorat pour l'AFP, la sénatrice Regina Mundi lit, manifestement sous la contrainte, un texte en anglais réclamant notamment l'indépendance, devant les drapeaux de l'ADF et de la "République d'Ambazonie" autoproclamée le 1er octobre 2017 par des séparatistes.

L'Ambazonie est le nom donné, par ceux qui réclament leur indépendance, aux régions du Nord-Ouest du Sud-Ouest, peuplées principalement par la minorité anglophone qui s'estime ostracisée par la majorité francophone d'un Cameroun dirigé d'une main de fer depuis près de 40 ans par Paul Biya, âgé de 89 ans.

Un million de déplacés

La sénatrice Regina Mundi, originaire du Nord-Ouest, est membre du bureau politique du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) de M. Biya. Le conflit a éclaté en 2017 après que le gouvernement eut fait sévèrement réprimer des manifestations réclamant à Yaoundé une égalité de traitement pour les anglophones. Il a fait plus de 6.000 morts et a déplacé environ un million de personnes, selon International Crisis Group (ICG).

M. Biya se montre intraitable, même à l'égard des revendications des plus modérés pour une solution fédéraliste, et dépêche massivement des forces de sécurité pour tenter de mater la rébellion. Les séparatistes armés, comme les militaires et policiers, sont régulièrement accusés par l'ONU et les ONG internationales de commettre crimes et atrocités contre les civils, principales victimes du conflit.

Les "Ambazoniens" se livrent fréquemment à des kidnappings, notamment de fonctionnaires, et en tuent certains. Quelques personnalités connues –ecclésiastiques et politiques notamment – ont également été enlevées mais relâchées. En janvier dernier, le corps d'un sénateur de l'opposition, l'avocat Henry Kemende, avait été retrouvé criblé de balles à Bamenda après l'attaque de sa voiture, qui avait disparu. Les autorités avaient accusé les séparatistes mais le meurtre n'a pas été revendiqué.