La localité, sur la rive opposée à la capitale gambienne Banjul, a du mal à digérer la nouvelle. Les vendeuses ont abandonné leurs échoppes pour soutenir les familles endeuillées, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Une pirogue à moteur, partie le 27 novembre de Gambie avec près de 200 migrants à bord, et qui comptait rejoindre les Canaries, archipel espagnol au large du Maroc, a fait naufrage mercredi face aux côtes mauritaniennes.
L'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a fait état de 62 décès, une source sécuritaire de 63 morts.
Parmi eux, une majorité de Gambiens, mais aussi 13 Sénégalais.
"Insupportable! Il faut mettre fin à ce trafic indigne de l'émigration clandestine", a lancé sur Twitter le chef de l'Etat sénégalais Macky Sall.
- Stupeur des proches -
"Le bateau avait jeté l'ancre à Barra. Les passeurs cherchaient des passagers, et quand mon petit-fils et deux autres personnes du quartier en ont entendu parler, ils ont décidé de se joindre au voyage", explique à Barra une grand-mère, Fatou Mboge, rencontrée jeudi par l'AFP.
"Nous espérions qu'ils réussissent, parce que deux autres bateaux partis récemment avaient atteint leur destination", ajoute la vieille dame, l'émotion contenue. Son petit-fils de 17 ans, Jatta, fait partie des victimes.
Abraham Gomez, un artisan-carreleur, explique que sa soeur Tida, mère célibataire de trois filles, a volé de l'argent à sa famille, avant de faire croire à ses proches qu'elle se rendait à un baptême, alors qu'elle tentait de rejoindre l'Europe.
"Je n'ai appris la nouvelle que trois jours après son départ", explique M. Gomez, entouré par sa mère et ses cinq autres soeurs, secouées de sanglots. "Elle n'était pas satisfaite de la situation financière de notre mère et elle a décidé de risquer sa vie", ajoute-t-il. Tida et l'une de ses filles se sont noyées.
A Barra, les histoires se ressemblent toutes. Amie Dubio, 21 ans, avait été serveuse dans un restaurant. Elle a dit à sa famille qu'elle partait chercher du travail au Sénégal, raconte, en pleurs, sa grand-mère Fatou Charreh, entourée de proches cherchant à la consoler.
A plus de 1.000 km plus au nord, dans la ville de Nouadhibou, place portuaire et deuxième ville de Mauritanie, quelque 85 rescapés ont été pris en charge dans un centre d'accueil, où ils attendent d'être rapatriés, assis sur des nattes sous des couvertures à l'abri du soleil, et recevant la visite de responsables mauritaniens et de médecins.
- 25.000 victimes -
"Je m'appelle Diarra Barry, Je suis Gambien. J'ai payé 450.000 francs CFA (685 euros) pour ce voyage malheureux. Nous avons failli mourir. Les autorités mauritaniennes nous ont sauvé. Merci beaucoup", a témoigné l'un d'eux, interrogé par la télévision mauritanienne TVM.
Dia Alpha Sonoko, un jeune qui se dit Sénégalais, a pris la mer "pour aller chercher de quoi gagner (sa vie) pour survivre et pour aider nos parents, parce qu'il n'y a pas assez de travail là-bas dans notre pays". Il a raconté comment les passeurs les avaient laissés tomber et comment les passagers de l'embarcation ont erré en mer, avant le naufrage.
Les victimes ont été enterrées près de Nouadhibou dans la nuit, sans attendre, selon les prescriptions musulmanes, et sans être identifiées, selon la porte-parole de l'OIM pour l'Afrique de l'Ouest, Florence Kim.
Près de 25.000 personnes sont mortes depuis janvier 2014 en tentant de rejoindre l'Europe pour des raisons économiques ou politiques, d'après les chiffres de l'OIM.
La grande majorité (19.154) ont péri en Méditerranée, où se situent les principales voies d'accès au continent européen. Mais plus de 480 ont aussi perdu la vie en Afrique de l'Ouest, dont environ 160 en 2019.
Le naufrage survenu mercredi est le plus meurtrier survenu cette année sur cette voie, selon l'OIM.