L'enquête est toujours en cours pour tenter de mieux cerner les motivations exactes d'Abdul Razak Ali Artan, abattu par la police après avoir blessé onze personnes dont une grièvement, en percutant un groupe de piétons en voiture, avant de sortir de son véhicule pour agresser les passants armé d'un couteau.
Selon plusieurs médias américains, le jeune homme avait proféré des menaces contre les Etats-Unis sur Facebook peu avant son passage à l'acte, s'en prenant aux "infidèles" et appelant les musulmans à écouter Anwar al-Awlaqi, l'idéologue d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique tué par un drone américain au Yémen.
Et mardi, le groupe Etat islamique a affirmé qu'Abdul Razak Ali Artan était un "soldat" de son califat.
L'attaque dans l'Ohio est intervenue deux mois après qu'un autre jeune Somalien a blessé au couteau dix personnes dans un centre commercial du Minnesota (nord) mi-septembre avant d'être abattu par la police. L'attaque avait été revendiquée par le groupe Etat islamique.
Elle suit aussi de deux semaines la condamnation à de longues peines de prison de neuf jeunes Somaliens arrêtés en 2014 à Minneapolis, qui prévoyaient de se rendre en Syrie se joindre au groupe EI.
Plusieurs autres auraient d'ailleurs réussi le voyage, suivant les traces de 20 de leurs prédécesseurs qui avaient réussi à rentrer en Somalie entre 2007 et 2009 pour rejoindre les rangs des islamistes shebab.
Et en 2013, quatre Somaliens ont été condamnés à San Diego pour avoir levé des fonds pour cette dernière organisation, classée comme "terroriste" par les autorités américaines.
Cependant, malgré ces divers exemples, les experts estiment que le nombre d'incidents liés à des personnes d'origine somalienne reste assez modeste, comparé à l'importance de cette communauté. Et les personnes impliquées étaient "auto-radicalisées", plutôt qu'envoyées par le groupe EI ou d'autres organisations jihadistes.
'Un petit nombre d'individus'
La communauté somalienne aux Etats-Unis compte plus de 100.000 personnes, immigrants et leurs enfants nés en Amérique, principalement à Minneapolis (Minnesota), Columbus (Ohio), Lewiston (Maine) et Atlanta (Georgie). La plupart sont arrivés ces 20 dernières années, fuyant la guerre dans leur pays.
"J'hésiterais à pointer du doigt la communauté dans son ensemble: on ne parle que d'un petit nombre d'individus", considère Seamus Hughes, vice-directeur du programme sur l'extrémisme à l'université George Washington.
Le gouvernement a lancé un programme pionnier pour l'importante communauté musulmane de Minneapolis en 2014, destiné à améliorer les relations avec les autorités mais aussi à décourager ceux qui seraient tentés de se rapprocher de groupes radicaux.
M. Hughes note ici que la communauté musulmane reste méfiante mais les cas de radicalisation récents l'ont incitée à davantage de coopération.
Et avec les derniers événements, la communauté somalienne s'inquiète de possibles représailles.
"Nous savons qu'il était d'origine somalienne et ce sera suffisant pour que certaines personnes fassent le lien de manière erronée entre ces événements, sa foi pour l'islam, et avec les communautés somalienne et musulmane", regrette ainsi Roula Allouch, du Conseil des relations américano-islamiques, inquiète d'éventuelles agressions contre les musulmans.
De nombreux Américains musulmans s'étaient montrés particulièrement mécontents quand le président élu Donald Trump, durant sa campagne, a dénoncé les immigrants somaliens à au moins deux reprises. Dans le Maine en août, il avait estimé que la criminalité locale était due aux arrivants somaliens dans cet Etat du nord-est.
Et il n'avait pas hésité, deux jours seulement avant l'élection, à faire le lien entre la population de Minneapolis et le groupe EI: "Ici dans le Minnesota vous êtes aux premières loges pour voir les problèmes causés par de mauvais contrôles des réfugiés, avec un grand nombre de Somaliens entrant dans votre Etat sans que vous soyez au courant, sans votre soutien ni votre accord, avec eux certains se joignant à l'EI et diffusant leur vision extrémiste partout dans notre pays et dans le monde", avait-il lancé.
Cela n'a pas empêché Ilhan Omar, musulmane d'origine somalienne, de remporter le 8 novembre un siège de parlementaire dans le Minnesota, une première aux Etats-Unis.
Avec AFP