"Il y a eu une trentaine de morts dont une dizaine des éléments de forces de l'ordre et plusieurs blessés", a affirmé à l'AFP le porte-parole du gouvernement Aziz Mahamat Saleh.
À N'Djamena, la capitale du pays, "les manifestants ont attaqués des édifices publics, le gouvernorat, le siège du parti du Premier ministre, celui du président de l'Assemblée nationale" a-t-il ajouté qualifiant cette manifestation, interdite mercredi par les autorités, d'"insurrection".
Un journaliste de l'AFP a vu les cadavres de cinq personnes, dont deux recouvertes du drapeau national et trois de draps blancs ensanglantés, allongées sur le sol de l'hôpital situé dans 7e arrondissement, épicentre des manifestations dans la capitale.
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Ces cinq personnes ont été "tuées par balle", a précisé à l'AFP le médecin-chef de l'hôpital de l'Union Chagoua, Joseph Ampil. La Croix-Rouge du Tchad a indiqué avoir déployé "une dizaine d'équipes" dans les arrondissements sous tension de la capitale. "Nous prodiguons les premiers soins et nous acheminons des dizaines de blessés en véhicule jusqu'aux hôpitaux", a déclaré à l'AFP son président, Khalla Ahmat Senoussi.
La France, par la voix du ministère des Affaires étrangères, a "condamné" les "violences, avec notamment l'utilisation d'armes létales contre les manifestants", a souligné le Quai d'Orsay, affirmant que Paris ne joue "aucun rôle dans ces événements".
La précision du Quai d'Orsay sur son absence de rôle dans les événements de N'Djamena renvoie aussi au sentiment anti-français qui se développe dans la région, alimenté notamment par des intérêts russes.
Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l'Union africaine (UA), a "condamné fermement" la répression des manifestations, appelant "les parties au respect des vies humaines et des biens" et a "privilégier les voies pacifiques pour surmonter la crise", a-t-il réagi sur Twitter.
Ces affrontements se déroulent après la prolongation pour deux ans de la "transition" qui devait s'achever ce jeudi 20 octobre. Fin septembre, Mahamat Idriss Déby Itno a finalement été maintenu à la tête de l'Etat jusqu'à des élections libres et démocratiques, censées se tenir à l'issue d'une deuxième période de transition et auxquelles M. Déby pourra se présenter.
Ce maintien, à l'issue d'un Dialogue national inclusif et souverain (DNIS) boycotté par une grande partie de l'opposition, a achevé de braquer les oppositions politiques et armées et embarrasse une communauté internationale qui avait pourtant adoubé M. Déby il y a 18 mois.
Le 20 avril 2021, à l'annonce de la mort du maréchal Déby, tué par des rebelles en se rendant au front, l'armée avait proclamé son fils Mahamat Déby président de la République à la tête d'une junte de 15 généraux, pour une période de transition de 18 mois devant mener à des élections.
Des nuages de fumée noire étaient visibles et des tirs de gaz lacrymogène se faisaient régulièrement entendre dans la capitale jeudi matin, tandis que des barricades avaient été dressées dans plusieurs quartiers de la ville et que des pneus avaient été brûlés sur les principaux axes routiers, selon les journalistes de l'AFP à N'Djamena qui ont constaté une brève accalmie en début d'après-midi.
"Dialogue de façade"
"Je suis sorti manifester pour dénoncer ce dialogue de façade pour pérenniser un système et réclamer un changement du pouvoir. En 31 ans, on n'a pas vu de changement positif dans notre pays", a déclaré à l'AFP, Abass Mahamat, 35 ans.
Dans le centre de la capitale, les commerces du marché central ont baissé le rideau. "On nous a dit qu'il y a une manifestation dans la ville et je suis venu comme les autres collègues pour rester devant mon magasin pour éviter des pillages", a expliqué à l'AFP, Mahamat Mboudou, les yeux rivés sur son téléphone pour suivre les évènements au sud de la ville.
Dans le 6e arrondissement, fief de l'opposition où est également situé le domicile du Premier ministre Saleh Kebzabo, les rues sont désertes. Des pneus, des troncs d'arbre, des amas de briques, jonchent les rues, a constaté un journaliste de l'AFP. Les établissements scolaires et universitaires sont fermés.
Le siège du parti de M. Kebzabo, l'Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), a été pris pour cible par les manifestants et "en partie incendié", a indiqué à l'AFP le vice-président du parti, Célestin Topona.
Opposant historique à Idriss Déby Itno, qui a dirigé le pays d'une main de fer pendant 30 ans, M. Kebzabo avait rallié il y a 18 mois le gouvernement nommé par la junte militaire dirigée par le fils de l'ancien chef de l'Etat. Il a été nommé à la tête du gouvernement le 12 octobre.