Washington accuse Moscou d'aggraver "dangereusement" le conflit en Syrie

Bachar al-Assad

Les Etats-Unis estiment que les les bombardements russes tuent des civils, font croitre le flux de réfugiés et renforcent le régime de Damas plutôt que d'affaiblir le groupe Etat islamique.

Sur le terrain, les forces armées syriennes ont brisé le siège imposé depuis deux semaines par l'EI aux quartiers sous leur contrôle à Alep (nord), rouvrant une route clé qui relie ces secteurs au reste de la Syrie, selon la télévision officielle et une ONG.

Amplifiant les critiques américaines contre Moscou, allié de Bachar al-Assad, deux hautes diplomates ont, devant le Congrès des Etats-Unis, démonté point par point l'intervention militaire russe en Syrie commencée le 30 septembre.

La secrétaire d'Etat adjointe pour le Proche-Orient Anne Patterson a jugé que Moscou avait ainsi "dangereusement exacerbé un environnement déjà complexe".

"Depuis le début des frappes russes, au moins 120.000 Syriens ont été déplacés, conséquence des offensives du régime appuyées par les bombardements russes dans les villes de Hama, Alep et Idleb", a accusé Mme Patterson devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants.

L'ONU avait donné les mêmes chiffres la semaine dernière mais sans montrer Moscou du doigt. Jamais Washington n'avait repris ces données à son compte et mis en cause directement les raids de Moscou.

'Cynisme' russe

D'après la secrétaire d'Etat adjointe pour l'Europe Victoria Nuland, "depuis que les opérations de combat de la Russie ont commencé en Syrie, la Grèce a enregistré son flux migratoire hebdomadaire le plus élevé pour 2015, avec environ 48.000 réfugiés et migrants passés de la Turquie à la Grèce".

La diplomatie américaine a encore accusé l'aviation russe de cibler les groupes rebelles syriens modérés et non l'EI.

"Moscou a tenté, avec cynisme, d'affirmer que ses frappes visent des terroristes mais jusqu'ici, 85% à 90% (des raids russes) ont touché l'opposition syrienne modérée et ont tué des civils au passage", a tonné Mme Patterson.

"Et en dépit de nos exhortations, Moscou n'a pas encore stoppé la pratique atroce du régime de Damas de bombarder son peuple aux barils d'explosifs", a-t-elle également condamné.

L'ONG Amnesty International a elle mis en cause le régime dans un rapport accusant Damas de tirer profit des disparitions forcées. Amnesty estime que plus de 60.000 civils ont disparu depuis le début de la guerre.

"Nous sommes certains que le gouvernement et les responsables des prisons profitent des sommes versées en relation avec ces disparitions", a affirmé à l'AFP Nicolette Boehland, l'auteur du rapport.

Parallèlement à leurs activités militaires, Washington et Moscou pilotent un processus diplomatique enclenché fin octobre à Vienne pour tenter de dessiner les contours d'une transition politique en Syrie.

Les chefs des diplomatie américaine et russe, John Kerry et Sergueï Lavrov, se sont encore téléphonés mercredi pour discuter de la "logistique" de la prochaine réunion, selon le porte-parole du département d'Etat John Kirby. Elle pourrait se tenir de nouveau dans la capitale autrichienne d'ici deux semaines, selon Mme Patterson.

De son côté, l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura, en visite à Moscou, a affirmé que les Nations unies étaient disposées à accueillir "dès que possible" des discussions entre Damas et des opposants.

Washington a jugé "prématurés" ces éventuels pourparlers.

En Syrie, les combats continuent de faire rage.

L'armée a repris le contrôle de la route Alep-Khanasser-Ithriya-Salamiyé "après avoir éliminé un grand nombre de terroristes" de l'EI, selon la télévision publique, précisant que la route, la seule possible pour acheminer des renforts aux quartiers gouvernementaux d'Alep, serait rouverte jeudi.

A l'est de Damas, 12 personnes ont péri dans des bombardements de la ville rebelle de Douma, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Et dans le nord-est, un Canadien qui combattait l'EI a été tué dans une attaque menée par un kamikaze jihadiste lors de combats aux environs de Hassaké, selon l'OSDH et une coalition arabo-kurde. En revanche, le Pentagone s'est félicité qu'une petite coalition de groupes armés arabes syriens ait pu reconquérir 255 km2 de territoire sur l'EI dans le nord-est.

Avec AFP