Washington coupe son aide à l'Afghanistan après l'échec d'une médiation de Pompeo

Le secrétaire d'État Mike Pompeo, lors d'une conférence de presse au département d'État, le mardi 17 mars 2020, à Washington. (Photo AP / Manuel Balce Ceneta)

Les Etats-Unis ont nettement réduit lundi leur aide à l'Afghanistan et confirmé le retrait progressif de leurs troupes après l'échec d'une médiation de Mike Pompeo auprès des dirigeants politiques à Kaboul.

Le chef de la diplomatie américaine s'est rendu pendant huit heures dans la capitale afghane, puis à Doha, au Qatar, où il a rencontré pour la première fois des chefs des talibans dans l'espoir de remettre sur les rails un processus de paix déjà menacé.

Mais trois semaines après la signature d'un accord de paix historique entre Washington et les talibans, cette double visite surprise n'a pas permis de surmonter "l'impasse politique", de l'aveu même de Mike Pompeo, qui a toutefois évoqué quelques "avancées".

Dans la capitale afghane, le secrétaire d'Etat a notamment rencontré le président Ashraf Ghani et l'ex-chef de l'exécutif Abdullah Abdullah, qui s'est lui aussi proclamé vainqueur de l'élection présidentielle du 28 septembre, entachée d'accusations de fraudes.

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Il a dit leur avoir fait passer un "message urgent" pour qu'ils fassent "des compromis" en formant un gouvernement d'union capable de négocier avec les insurgés -- la prochaine étape du processus de paix qui tarde à se concrétiser.

- Un milliard en moins -

Mais les deux hommes lui ont ensuite signifié "leur incapacité à trouver un accord sur un gouvernement inclusif", a déclaré Mike Pompeo.

En raison de cet "échec", que les Etats-Unis "regrettent profondément", il a annoncé que l'aide américaine à l'Afghanistan serait réduite "immédiatement" d'un milliard de dollars, et d'un milliard supplémentaire en 2021 si l'impasse se poursuivait.

Maniant la carotte et le bâton, il a promis que l'aide pourrait éventuellement être rétablie si Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah parvenaient à s'entendre.

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La crise politique à Kaboul menace de faire capoter le processus enclenché par l'accord signé le 29 février à Doha.

Après 18 ans de guerre, la plus longue de l'histoire américaine, ce texte prévoit le retrait progressif sous 14 mois de toutes les forces américaines et étrangères d'Afghanistan, à condition que les insurgés tiennent leurs engagements sécuritaires et entament des négociations de paix directes inédites avec le gouvernement de Kaboul.

Mais ces négociations interafghanes, qui devaient initialement démarrer le 10 mars, ont déjà pris du retard en raison de cette crise institutionnelle, ainsi que les échanges de prisonniers Kaboul-talibans prévus par l'accord.

- Vidéoconférence Kaboul-talibans -

Nouveau signe que l'administration de Donald Trump est décidée à quitter l'Afghanistan à l'approche de l'élection présidentielle de novembre aux Etats-Unis, Mike Pompeo a confirmé que le retrait américain se poursuivait malgré ces blocages.

Au Qatar, le secrétaire d'Etat a aussi rencontré, à l'écart des médias, "des responsables des talibans", dont leur négociateur en chef, le mollah Baradar, "pour les exhorter à continuer à respecter l'accord signé le mois dernier", a déclaré sa porte-parole.

Dimanche, le gouvernement afghan et les rebelles avaient eu de premières discussions -- par vidéoconférence en raison de la pandémie de Covid-19 -- au sujet des libérations de prisonniers, une étape cruciale dans l'optique d'éventuelles discussions de paix. D'autres rencontres virtuelles sont prévues pour surmonter les blocages.

La mesure, qui figurait dans l'accord américano-taliban, non ratifié par Kaboul, prévoyait la libération de jusqu'à 5.000 rebelles contre celle de 1.000 membres des forces afghanes.

L'échange devait avoir lieu avant le 10 mars et donc avant la date initialement prévue pour l'ouverture des négociations sur l'avenir de l'Afghanistan, mais il a été retardé en raison de désaccords entre les deux camps.

Le président Ghani, d'abord opposé à une telle mesure, avait ensuite proposé la libération de 1.500 prisonniers talibans avant les discussions interafghanes, puis des 3.500 détenus restants sur plusieurs mois, si les violences diminuaient. Les rebelles ont rejeté ce compromis.

Pendant ce temps, la violence continue en Afghanistan.

Mike Pompeo a certes salué le fait que les insurgés aient cessé de viser les troupes étrangères, estimant donc qu'ils tenaient leur engagement de "réduction de la violence". Mais les talibans n'ont pas mis fin à leur offensive contre les forces afghanes.

A ces combats s'ajoutent les craintes qu'une crise sanitaire de grande ampleur ne frappe bientôt l'Afghanistan, avec l'arrivée ces dernières semaines de dizaines de milliers d'Afghans de retour d'Iran, un des pays les plus touchés par la pandémie de Covid-19.

Avec un système de santé extrêmement précaire après 40 ans de guerre, il est peu probable que l'Afghanistan puisse faire face à une telle crise.