Washington oblige Boeing à modifier les 737 MAX mais sans les immobiliser

Un Boeing 737 MAX 8

Les Etats-Unis vont obliger Boeing à procéder à des modifications du 737 MAX 8 et du 737 MAX 9 mais ne vont pas clouer ces avions au sol, prenant le contrepied de pays comme la Chine, après l'accident mortel d'un appareil de ce type dimanche en Ethiopie.

L'agence fédérale de l'aviation (FAA), un des principaux régulateurs du transport aérien, a demandé lundi à l'avionneur américain d'effectuer des changements "au plus tard en avril" sur des logiciels et sur le système de contrôle MCAS conçus pour éviter les décrochages.

Boeing doit également actualiser le manuel destiné à la formation des pilotes.

"Si nous identifions un problème affectant la sécurité, la FAA prendra des mesures immédiates et appropriées", a répété lundi soir le régulateur.

Les autorités américaines se démarquent ainsi de la Corée du Sud, de l'Indonésie et surtout de la Chine, grosse cliente du 737 MAX 8, qui ont décidé d'immobiliser ces appareils.

En quarante ans, Washington n'a cloué au sol toute une flotte d'avions qu'en deux occasions. La dernière fois remonte à janvier 2013, lorsque les 787 Dreamliner de Boeing ont été immobilisés pour des problèmes de batteries.

En Inde, les autorités ont imposé des mesures de sécurité supplémentaires aux équipes de maintenance au sol et aux équipages des avions, mais n'ont pas ordonné l'immobilisation des 737 MAX exploités par deux compagnies indiennes.

- Outil de négociations -

Un 737 MAX 8 de la compagnie Ethiopian Airlines s'est écrasé dimanche au sud-est d'Addis Abeba peu après le décollage, tuant les 157 passagers et membres d'équipage.

Les deux boîtes noires --l'une contenant les données techniques du vol et l'autre l'enregistrement des discussions et des alarmes dans le cockpit-- ont été retrouvées lundi.

Cet accident, survenu moins de cinq mois après celui d'un avion du même modèle de la compagnie indonésienne Lion Air, a inquiété les investisseurs. Le titre Boeing a perdu 5,36% à Wall Street.

Il est particulièrement rare qu'un nouveau modèle enregistre deux accidents mortels en peu de temps.

A la suite de l'accident de dimanche, Ethiopian Airlines a immobilisé ses quatre autres Boeing 737 MAX 8. Au fil de la journée, les compagnies Cayman Airways (îles Caïmans), Comair (Afrique du Sud) puis Aeromexico (Mexique) et Gol (Brésil) ont fait de même.

Et les pilotes de la compagnie argentine Aerolineas Argentinas ont annoncé, via leur syndicat, qu'ils refusaient de voler sur cet appareil jusqu'à recevoir "suffisamment d'informations et de garanties sur l'absence totale de risques lors des opérations avec cet avion", dont le moteur est plus gros que sur les vieux 737 NG.

Si les causes de ces accidents ne sont pas encore connues, le crash de Lion Air a braqué l'attention sur les capteurs d'incidence (AOA) dont un dysfonctionnement peut conduire l'ordinateur de bord, pensant être en décrochage, à mettre l'appareil en piqué alors qu'il faudrait au contraire le redresser.

L'immobilisation totale des 737 MAX 8 aurait été un gros revers pour Boeing: non seulement ils sont la locomotive des ventes et des bénéfices mais 350 exemplaires de cet avion, entré en service en mai 2017, volent actuellement.

Les conséquences économiques seraient d'autant plus importantes que le constructeur aéronautique emploie plus de 150.000 personnes aux Etats-Unis.

"Boeing est stratégique. C'est un outil de commerce", souligne Michel Merluzeau, expert chez AirInsight.

Le 737 MAX fait partie des négociations commerciales en cours entre les Etats-Unis et la Chine, Washington poussant Pékin à passer de nouvelles commandes pour rééquilibrer les échanges commerciaux entre les deux premières économies mondiales, selon la presse américaine.

- Deuil national -

Le vol ET 302, qui avait décollé dimanche à 08H38 (05H38 GMT) d'Addis Abeba, a disparu des radars six minutes plus tard. Selon un témoin, Tegegn Dechasa, l'arrière de "l'avion était déjà en feu lorsqu'il s'est écrasé au sol".

L'avion a été pulvérisé à l'impact.

Les enquêteurs de l'Agence éthiopienne de l'aviation civile ont été rejoints par une équipe technique de Boeing et par des enquêteurs américains des autorités de l'aviation civile.

Une journée de deuil national a été décrétée lundi en Ethiopie.

Le Kenya était doublement endeuillé. Avec 32 ressortissants à bord, c'est le pays le plus touché par la tragédie, et Nairobi est aussi le hub régional des Nations unies, durement affectées par la catastrophe.

Plusieurs délégués devant participer à la conférence annuelle du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), qui s'est ouverte lundi à Nairobi, se trouvaient à bord.

Parmi les victimes onusiennes figurent six employés du PNUE, sept du Programme alimentaire mondial (PAM) et plusieurs du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).

Les victimes du crash étaient de 35 nationalités différentes, selon des éléments provisoires de la compagnie aérienne: notamment 32 Kényans, 18 Canadiens, 9 Ethiopiens, 8 Italiens, 8 Chinois, 8 Américains, 7 Français, 7 Britanniques, 6 Egyptiens, 5 Allemands et 4 Indiens.

Les gouvernements français et britannique ont fait état de la mort de neuf de leurs ressortissants.

Parmi les victimes figurent l'épouse et les deux enfants du député slovaque Anton Hrnko, un archéologue italien, un professeur d'université canadien d'origine nigériane, ainsi qu'un ancien secrétaire général de la fédération kényane de football.

Avec AFP