Zambie: le chef de l'opposition libéré après l'abandon des charges de trahison

Hakainde Hichilema, Lusaka, Zambie, janvier 2015.

Le chef de l'opposition zambienne Hakainde Hichilema a retrouvé la liberté mercredi au terme de quatre mois d'une incarcération très controversée pour trahison, qui a provoqué de vives tensions politiques dans tout le pays.

Dès l'ouverture de son procès devant un tribunal de Lusaka, l'avocate générale Lillian Kayuni a annoncé l'abandon immédiat des charges retenues contre M. Hichilema et ses cinq coaccusés, sans en préciser publiquement les raisons.

Arrêté en avril, le patron du Parti uni pour le développement national (UPND) était incarcéré depuis pour avoir gêné le passage du convoi du président zambien Edgar Lungu, dont il conteste obstinément depuis un an la réélection.

Formellement accusé de trahison, l'homme d'affaires risquait une peine allant de quinze ans de réclusion à la peine de mort.

Acclamé par des centaines de partisans, Hakainde Hichilema a quitté dans la matinée la prison de la capitale à bord d'un puissant véhicule tout-terrain décapotable dans lequel il a paradé à travers la ville jusqu'au siège de son parti.

"Ici commence notre marche vers la vraie liberté", a-t-il alors lancé à la foule aux côtés de son épouse et de ses coaccusés.

"Nous voulons ramener l'unité dans ce pays (...) je vous assure que nous sommes plus fort maintenant qu'avant. Nous sommes dix fois plus fort qu'avant", a poursuivi M. Hichilema sous les vivas de ses troupes, comme pour défier le pouvoir.

De son côté, le gouvernement a indiqué par le biais de son porte-parole, Kampamba Mulenga, "accepter ce qui s'est passé aujourd'hui". "Cela montre que le gouvernement n'interfère pas dans le système judiciaire", a-t-il ajouté devant la presse.

La remise en liberté de M. Hichilema met un terme à une saga politico-judiciaire qui a nourri de vives tensions dans le pays.

Le climat politique en Zambie, un pays d'Afrique australe d'ordinaire calme, s'est profondément détérioré depuis l'élection présidentielle d'août 2016, marquée par de violents incidents.

A l'époque, Edgar Lungu n'avait pas hésité à déclarer qu'il n'hésiterait pas "à sacrifier la démocratie" pour préserver la paix.

La courte victoire - à peine 100.000 voix - de M. Lungu devant M. Hichilema n'a pas calmé les esprits et l'opposition refuse depuis de le reconnaître comme le président légitime.

- 'Persécutions' -

En avril, l'arrestation musclée de M. Hichilema à son domicile par des dizaines de policiers anti-émeute a constitué un tournant dans l'escalade des tensions.

Amnesty International avait ainsi estimé que le chef de l'opposition était "victime de persécutions" des autorités et que les poursuites engagées contre lui visaient à le "harceler et l'intimider".

Son transfert en juin dans une prison de haute sécurité a alimenté un peu plus les critiques de l'opposition qui dénonce les dérives autoritaires du régime.

Le même mois, 48 députés d'opposition ont été suspendus pour un mois pour avoir boycotté un discours du chef de l'Etat.

Mi-juillet, le Parlement a voté l'instauration de l'état d'urgence pour trois mois à la suite d'une série d'incendies criminels attribués par le pouvoir à l'opposition.

Le chef d'un petit parti d'opposition, Savior Chishimba, très critique envers le président Lungu, a également été arrêté, début août, avant d'être libéré au bout d'une semaine sans poursuites.

Le parquet a renoncé à poursuivre M. Hichilema pour trahison après des entretiens, la semaine dernière, entre la secrétaire générale du Commonwealth Patricia Scotland et MM. Lungu et Hichilema.

Mercredi, Mme Scotland s'est réjouie de la décision de la justice et a appelé les dirigeants zambiens à montrer que leur pays "reste un symbole de paix et un havre de stabilité, d'unité et de tolérance politique".

En annonçant l'état d'urgence le mois dernier, Edgar Lungu avait balayé d'un revers de main les critiques et rejeté toute dérive "dictatoriale", assurant qu'il avait pour unique préoccupation de faire "reculer l'anarchie" dans son pays.

Après la libération de Hakainde Hichilema, le chef de la police Kakoma Kanganja a rappelé dans un communiqué qu'il avait donné pour instruction à ses hommes de "faire respecter strictement la loi et de réprimer toute forme de comportement qui pourrait compromettre la sécurité de la nation".

Avec AFP