"La fin ?" demande le quotidien The Citizen à sa une vendredi. "La seule façon pour l'Afrique du Sud d'échapper à une véritable crise constitutionnelle est la démission ou le remplacement" du président, estime The Sowetan.
Dans un arrêt historique et accablant pour le chef de l'Etat, la Cour constitutionnelle a estimé jeudi que Jacob Zuma n'avait "pas respecté la Constitution" en refusant de rembourser des frais de rénovation de sa propriété privée payés par l'Etat.
Le président doit désormais s'acquitter de la facture de la piscine, du poulailler, de l'enclos pour bétail et du centre pour visiteurs, qui ne se sont en rien liés à la sécurité du domaine de Nkandla (est), a ordonné la Cour.
"Ce jugement est une victoire pour la démocratie", a salué vendredi le principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique (DA), qui a lancé une procédure de destitution contre le chef de l'Etat. "Ça ne peut pas être +business as usual+ quand le président Zuma est déclaré coupable de violation de la Constitution", a-t-il ajouté.
Le populiste Julius Malema, leader du parti de gauche radicale des Combattants de la liberté économique (EFF), a menacé de s'en prendre physiquement au président. D'ici la procédure de destitution, Jacob Zuma "ne s'exprimera pas au parlement et nous l'empêcherons physiquement de le faire", a prévenu le tribun habitué à la controverse.
Mais la destitution du président n'a pas de chance d'aboutir, selon les analystes: son parti, le Congrès national africain (ANC), dispose de la majorité absolue au parlement et lui reste largement fidèle.
Jacob Zuma, surnommé le président "Teflon", "a plus de casseroles qu'il n'a d'enfants (une vingtaine, NDLR) et il s'en est toujours sorti", rappelle Adriaan Basson, auteur du livre "Zuma à découvert". Une référence aux nombreux scandales qui empoisonnent le président.
- Poisson d'avril -
Après l'arrêt de la Cour constitutionnelle qui intervient quelques mois avant les élections locales, "la balle est dans le camp de l'ANC", estime le Pretoria News.
L'ANC a effectivement le pouvoir de rappeler le président, comme elle l'avait fait avec Thabo Mbeki en 2008.
Jeudi, dans un communiqué laconique, le parti au pouvoir a "accepté" le jugement de la Cour. La Ligue de la jeunesse la Ligue des femmes de l'ANC ont apporté publiquement leur soutien au président.
"Nous voulons dire de façon univoque, catégorique et sans ambiguïté que nous nous tenons aux côtés" de Jacob Zuma, a assuré la Ligue des femmes. "Notre foi et notre soutien au président Zuma restent inébranlables" après la décision de la Cour constitutionnelle, a-t-elle insisté.
Comme pour signifier l'improbabilité d'un départ imminent du chef de l'Etat, une vidéo circulait sur la Toile, en ce 1er avril, avec une fausse présentatrice télé annonçant la démission de Jacob Zuma.
L'arrêt de la Cour constitutionnelle, aux fortes implications politiques, représente une victoire pour le pouvoir judiciaire, soulignaient également les commentateurs et l'opposition.
"Il est rassurant de voir que le pouvoir judiciaire reste un bras indépendant du gouvernement", a insisté la DA.
"Il y a deux éléments de notre démocratie qui sortent grandis" de l'affaire Nkandla, a relevé le célèbre caricaturiste sud-africain Zapiro: le pouvoir judiciaire et la médiatrice de la République, Thuli Madonsela, chargée de veiller au bon usage des deniers publics.
Dans un rapport sans appel en 2014, elle avait estimé que le président devait rembourser l'argent dont il avait "indûment bénéficié" dans l'affaire Nkandla. Jacob Zuma l'avait ignorée.
Une caricature vendredi dans le quotidien The Star résumait la revanche de cette femme pugnace et la pression croissante sur Jacob Zuma. Thuli Madonsela y est représentée ligotée à un bûcher, mais c'est le président, libre à ses côtés et une boîte d'allumettes à la main, qui est en feu: "Vous feriez bien de vous précipiter dans l'eau de la piscine" de Nkandla, lui lance la médiatrice avec ironie.
Avec AFP