L'Ethiopie se rend aux urnes lundi pour une élection attendue et scrutée, qui se tient malgré des doutes sur sa crédibilité et sur fond de guerre et de famine dans la région septentrionale du Tigré.
Il s'agit du premier test électoral pour le Premier ministre Abiy Ahmed, 44 ans, qui avait promis à son arrivée au pouvoir en 2018 d'incarner un renouveau démocratique dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique, rompant ainsi avec ses prédécesseurs.
Le lauréat 2019 du prix Nobel de la paix, qui avait fait libérer des milliers de prisonniers et encouragé le retour d'opposants en exil, avait également promis que ces élections législatives et régionales seraient les plus démocratiques que l'Ethiopie ait jamais connues.
"Oui l'Ethiopie va gagner ! Bonne chance à tous !", a posté sur Twitter le jeune dirigeant après une rencontre ce week-end avec des partis d'opposition à Addis Abeba.
Le Parti de la Prospérité, son mouvement, qui compte le plus grand nombre de candidats pour le Parlement fédéral, est le grand favori pour remporter une majorité et former un gouvernement.
En Ethiopie, les députés élisent le Premier ministre, qui dirige le gouvernement, ainsi que le président, dont la position est honorifique.
Au cours du week-end, la sécurité a été renforcée à Addis Abeba, et des soldats ont été déployés "à tous les coins du pays", qui compte 110 millions d'habitants, a affirmé le bureau du Premier ministre.
D'abord prévues en août 2020, ces élections ont été reportées à deux reprises, en raison de la pandémie de coronavirus puis de difficultés logistiques et sécuritaires.
Quelque 38 millions d'électeurs sont enregistrés mais beaucoup d'entre eux ne se rendront pas aux urnes lundi, le vote n'ayant pas lieu dans un cinquième des 547 circonscriptions du pays.
La majorité de ces zones, touchées par des violences ou des insurrections armées ou bien connaissant des problèmes logistiques, voteront le 6 septembre.
Spectre de la guerre
Mais aucune date n'a été fixée pour les 38 circonscriptions du Tigré. Dans cette région, où le gouvernement mène depuis novembre une opération militaire, des atrocités ont été documentées et au moins 350.000 personnes sont désormais menacées par la famine selon l'ONU.
Après sept mois d'un conflit qui se voulait bref, la guerre continue, écornant l'image pacificatrice du Premier ministre, et ternissant un scrutin qu'il voulait être le témoignage de sa volonté démocratique.
Dans certaines circonscriptions, notamment dans la région Oromia, la plus peuplée du pays, des partis d'opposition boycottent le scrutin pour protester contre l'emprisonnement de leurs dirigeants ou pour dénoncer son manque de crédibilité.
Dimanche, des bureaux de vote étaient déjà érigés dans plusieurs zones d'Addis Abeba, mais les préparatifs étaient plus tardifs ailleurs dans le pays.
A Bahir Dar, capitale de la région Amhara, la deuxième plus peuplée du pays, certains bureaux de vote n'avaient pas reçu dans la journée de dimanche leur matériel.
Evoquant les difficultés logistiques, des observateurs ont souligné que l'armée représente en temps normal un important soutien. Mais celle-ci est aujourd'hui largement déployée au Tigré, réduisant les capacités des organisateurs.
Les responsables des élections affirment cependant être prêts pour le vote, qui mobilise 40 partis et 9.500 candidats.
Certains observateurs ont questionné sa crédibilité, notamment les Etats-Unis, inquiets de l'exclusion d'un si grand nombre d'électeurs.
Le scrutin sera également scruté par les voisins et rivaux de l'Ethiopie, comme le Soudan et l'Egypte, opposés au "Grand barrage de la renaissance", titanesque projet hydroélectrique sur le Nil Bleu qui menace, selon eux, leur approvisionnement en eau.
Les bureaux de vote doivent ouvrir à 06H00 locales (03H00 GMT) et fermer à 18H00.