L'opposition dénonce un scrutin "mascarade" joué d'avance à cause d'une Agence nationale de gestion des élections (ANGE) dévouée au pouvoir et compte surveiller de près la participation, enjeu majeur.
Le chef de l'Etat a appelé la population à "participer activement" au scrutin auquel prennent part quelque 179 partis ou regroupements politiques, avec 718 listes et 1.321 candidats pour 188 sièges au parlement, actuellement contrôlé par son parti, le MPS.
Le scrutin intervient dans un contexte géopolitique agité, avec récemment, la dénonciation de l'accord de coopération militaire avec la France, alliée historique, des attaques du groupe jihadiste Boko Haram dans la région du lac Tchad et des accusations récurrentes d'ingérence dans le conflit qui ravage le Soudan voisin.
Pour le rapporteur national de la campagne du MPS et ministre des infrastructures Aziz Mahamat Saleh, les prochaines élections "vont mettre un terme à la transition" et surtout "donner une majorité au Président de la République pour traduire dans les faits son programme politique".
Mahamat Idriss Déby Itno, 40 ans, récemment promu maréchal, a été porté au pouvoir par l'armée en 2021, après la mort de son père. En mai, il a été élu président pour cinq ans après un scrutin jugé frauduleux par l'opposition.
Au-delà d'un "retour à l'ordre constitutionnel", "on assistera à un renouvellement générationnel de la classe politique à l'Assemblée nationale et dans les instances locales", insiste un conseiller à la présidence qui préfère rester anonyme.
Les dernières législatives remontent à 2011. L'assemblée devait être renouvelée en 2015 mais le scrutin a connu plusieurs reports en raison de la menace djihadiste, puis de difficultés financières et de l'épidémie de coronavirus.
La mort du président Idriss Deby après trente ans de pouvoir sans partage, suivie par la transition pilotée par son fils, ont fourni des raisons supplémentaires de repousser le vote. Un parlement de transition composé de 93 membres a été désigné par décret présidentiel en 2021.
"Dynastie successorale"
L'opposition, elle, dénonce un régime qu'elle juge autocratique et violemment répressif. "Participer aux élections législatives dans les conditions actuelles, c'est participer à un apartheid législatif", estime ainsi le patron du parti des Transformateurs, Succès Masra, donné battu à la présidentielle de mai avec un score néanmoins de 18,54%.
Le président Deby s'était adjugé un score de 61,3% avec une participation de 75%. "Cette élection, c'est pour légitimer le pouvoir en place qui ressemble à une dynastie successorale et fait face à d'énormes contestations aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays", abonde le Pr Ahmat Mahamat Hassan, constitutionnaliste enseignant à l'université de N'Djamena.
Après 33 ans de dynastie Deby, le Tchad, pays désertique et enclavé mais producteur de pétrole, figure dans les derniers rangs (189 sur 193) du classement mondial par indice de développement humain (IDH) des Nations-Unies. Le pays est marqué par la pauvreté, un déficité de développement et des inégalités. Il cumule plusieurs risques, a récemment pointé en octobre le Fonds monétaire international (FMI).
Outre "une possible intensification des conflits régionaux" et de "fortes fluctuations des cours du pétrole", il est menacé, a noté le FMI, par le changement climatique, alors que des inondations ont fait plus de 500 morts et 2 millions de déplacés pendant la saison des pluies.
Pour Remadji Hoinaty chercheur de l'Institute for Security Studies (ISS), les élections sont politiquement sans enjeu car elles ont lieu "entre soi, autrement dit entre ceux qui ont accepté d'accompagner Déby à la présidentielle". "Les sièges seront partagés et on se retrouvera avec une assemblée unicolore dominé par le MPS parti au pouvoir, une sorte de chambre d'enregistrement", relève-t-il.
Atone malgré les efforts du pouvoir, la campagne électorale a pâti d'un trou noir informationnel lié à une longue grève de l'Association des médias en ligne au Tchad (AMET) contre des restrictions de publication. En recevant son grade de maréchal samedi, le chef de l'Etat a vanté des "résultats probants pour l'ancrage de la démocratie" et la "marche vers le progrès", en soulignant que son accession au pouvoir avait "évité au pays de sombrer dans le chaos".
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