Le secrétaire général des Nations unies Ban ki-Moon a apporté son soutien à l'envoi d'une mission africaine de maintien de la paix au Burundi, un projet qui suscite de vifs débats entre les chefs d'Etat de l'Union africaine réunis en sommet à Addis Abeba.
"J'approuve votre proposition de déployer des observateurs des droits de l'Homme et une mission de protection et de prévention", a déclaré M. Ban à l'ouverture du 26e sommet de l'UA dans la capitale éthiopienne, siège de l'organisation continentale.
Le Burundi nécessite "l'engagement le plus sérieux et le plus urgent", a ajouté M. Ban.
En décembre, le Conseil de paix et de sécurité de l'UA avait adopté le principe du déploiement d'une force de 5.000 hommes pour enrayer le cycle de violences au Burundi faisant craindre de nouvelles violences à grande échelle, voire un génocide,dans ce petit pays marqué par une guerre civile meurtrière (300.000 morts) entre 1993 et 2006.
Mais le CPS, réuni vendredi soir, n'est pas parvenu à trouver un consensus sur le déploiement de cette Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), auquel le pouvoir burundais s'oppose catégoriquement.
Les chefs d'Etat étaient toujours réunis à huis-clos samedi à 16H30 GMT et on ignorait s'ils devaient se prononcer samedi ou dimanche sur ce point.
Le ministre des Affaires étrangères du Burundi, Alain Aimé Nyamitwe, a rappelé à Addis Abeba la position du président Pierre Nkurunziza: "A aucune condition nous ne sommes prêts pour cette force".
Plus de 400 personnes ont été tuées depuis le début de la crise au Burundi, qui a poussé à l'exil pas moins de 230.000 personnes. La capitale Bujumbura est désormais le théâtre de nombreuses exécutions extrajudiciaires, d'accrochages nocturnes tandis que les auteurs d'un coup d'Etat avorté en mai ont promis de renverser le gouvernement par les armes si nécessaire.
"Nous avons précisé que cet envoi de force n'était pas justifié (...) parce que nous estimons que la situation au pays est sous contrôle du point de vue sécuritaire", a déclaré M. Nyamitwe, précisant que le Burundi n'était pas isolé dans son refus.
"Il n'y a pas que les Burundais qui sont réticents à cette idée" de déploiement, a ainsi déclaré le président gambien Yahya Jammeh.
A la question: "Êtes-vous opposé au déploiement de cette force au Burundi ?", M. Jammeh a répondu: "sans l'accord du Burundi, oui".
"Souffrance inimaginable"
Une majorité des deux-tiers est requise pour autoriser l'envoi de cette force. Mais l'absence de consensus lors de la réunion du CPS de vendredi, qui donne habituellement le la aux décisions des chefs d'Etat, laisse augurer de difficiles tractations sur ce déploiement.
"En plus des efforts de lobbying du Burundi, de nombreux chefs d'Etat seront réticents à créer un précédent sur le déploiement de troupes de l'UA dans un pays qui s'y oppose clairement", décryptait récemment Yolande Bouka, chercheuse de l'Institut des Etudes de sécurité (ISS), basé en Afrique du Sud.
Le sommet de l'UA est également consacré aux autres défis sécuritaires du continent: la lutte contre les groupes jihadistes qui multiplient leurs actions au Sahel, celle contre les insurgés islamistes de Boko Haram qui ensanglantent le Nigeria et les pays voisins, et la difficile mise en oeuvre d'un accord de paix au Soudan du Sud.
Le secrétaire général de l'ONU a vivement critiqué les deux leaders sud-soudanais, le président Salva Kiir et l'ex-vice-président Riek Machar qui "ont une nouvelle échoué à respecter les délais pour la formation d'un gouvernement de transition" prévu par un accord de paix signé en août 2015.
"Au lieu de profiter des fruits de l'indépendance (2011), leur peuple a enduré plus de deux ans d'une souffrance inimaginable", a dénoncé M. Ban.
Ce 26e sommet a par ailleurs vu la désignation du président tchadien Idriss Déby Itno à la tête de la présidence tournante de l'UA, à la place du zimbabwéen Robert Mugabe.
Devenu une figure incontournable de la lutte contre les groupes jihadistes en Afrique sub-saharienne, M. Déby a appelé ses homologues à endiguer les crises sur le continent.
"Que ce soit sur la question des droits de l'Homme, tout ce que nous entreprenons maintenant ou plus tard sera vain et sans portée réelle si nous laissons se perpétuer en Afrique les crises, des crises parfois insupportables: Soudan du sud, la Libye, Somalie, le Burundi, le Sahel, le bassin du lac Tchad...", a averti M. Déby.
Sur la Libye, "pays qui nous est cher et qui vit une terrible tragédie", le président tchadien a annoncé, sans en préciser les contours, la mise en place d'un comité de chefs d'Etat africains soutenu par l'ONU.
Avec AFP