Les dirigeants africains se prononceront lors d'un vote inédit en fin de semaine, durant le Sommet de l'Union africaine (UA) à Addis Abeba, sur le déploiement d'une force au Burundi, malgré l'opposition de Bujumbura.
Outre la crise burundaise, les chefs d'Etat et de gouvernement se pencheront sur l'impasse dans l'application de l'accord de paix devant mettre fin à deux ans de guerre civile et d'atrocités au Soudan du Sud, les attaques djihadistes au Sahel, au Nigeria et aux alentours, l'instabilité politique en Libye et le processus électoral en cours en Centrafrique.
"Ce sommet pourrait - et devrait - être historique : ce sera la première fois que des chefs d'Etat voteront sur le déploiement d'une force de paix de l'UA dans un pays qui n'a pas donné son accord", souligne Stephanie Wolter, de l'Institut des Etudes de sécurité (ISS), basé en Afrique du Sud.
Une majorité des deux-tiers est requise pour autoriser l'envoi de cette Mission africaine de prévention et de protection au Burundi (Maprobu), décidé par le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA en décembre, mais que le président burundais Pierre Nkurunziza - qui n'a pas encore fait savoir s'il assisterait au Sommet - a promis de "combattre" comme "une force d'invasion et d'occupation".
Issue du vote incertaine
Malgré les potentielles "conséquences dévastatrices" de la crise burundaise pour les Grands Lacs soulignées par la présidente de la Commission de l'UA Nkosazana Dlamini-Zuma et les avertissements du CPS sur les risques de "génocide" au Burundi - dont l'histoire post-coloniale est jalonnée de massacre entre majorité hutu et minorité tutsi -, l'issue du vote des dirigeants africains est très incertaine.
"En plus des efforts de lobbying du Burundi, de nombreux chefs d'Etat seront réticents à créer un précédent sur le déploiement de troupes de l'UA dans un pays qui s'y oppose clairement", estime Yolande Bouka, autre chercheuse de l'ISS.
Un déploiement supplémentaire d'observateurs des droits de l'Homme et d'experts militaires en plus de la poignée déjà présents depuis juillet au Burundi, semble à l'étude pour remplacer la Maprobu, face à l'intransigeance de Pierre Nkurunziza et ses fidèles sourds aux pressions internationales et aux menaces de sanctions.
En visite à Bujumbura ces derniers jours, les ambassadeurs du Conseil de sécurité de l'ONU, qui paraissent divisés, n'ont pas réussi à faire plier M. Nkurunziza, tant sur le déploiement de la force que sur la reprise du dialogue avec ses adversaires. Le chef de l'Etat leur a assuré qu'il "n'y aura plus de génocide au Burundi" et que "le pays est en sécurité à 99 %".
Le sort de la médiation ougandaise
Les dirigeants de l'UA "doivent comprendre l'urgence de la situation", a néanmoins prévenu Matthew Rycroft, l'ambassadeur britannique aux Nations Unies, alors que la crise a déjà fait plus de 400 morts et poussé 230 000 personnes à l'exil, selon l'ONU.
Après avoir lui aussi rencontré la délégation du Conseil de sécurité de l'ONU, le commissaire à la Paix et la Sécurité de l'UA, Smail Chergui, a estimé crucial que la communauté internationale "reste unie sur le Burundi".
Le Sommet de l'UA devrait également décider du sort de la médiation ougandaise, incapable pour l'heure de faire reprendre les négociations entre le camp Nkurunziza et le large front de ses adversaires, alors que les membres du Conseil de sécurité poussent pour un rôle accru de l'ONU dans ces discussions.
Parallèlement, le Sommet devrait élire, comme chaque année, le nouveau président de l'organisation. Le poste - honorifique - change tous les ans de région. Cette année étant le tour de l'Afrique centrale, le nom du chef de l'Etat tchadien Idriss Deby circule pour remplacer son homologue zimbabwéen Robert Mugabe.
Avec AFP