Obtenu au terme d'un processus de "revitalisation" ayant duré de nombreux mois sous l'égide de l'organisation régionale Igad, l'accord est le fruit d'une intense pression diplomatique, avec notamment un embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Dans les rues de la capitale Juba, qui ont connu certains des combats les plus violents au début de la guerre puis à nouveau en juillet 2016 lorsque le dernier accord de paix a volé en éclats, peu de Sud-soudanais se sentaient l'envie de célébrer l'accord signé la veille à Addis Abeba, en Ethiopie.
Susy Williams, directrice de l'Alliance nationale des femmes avocates, résumait l'amertume de beaucoup de ses compatriotes qui avaient célébré l'indépendance du pays en 2011, après une longue guerre contre le Soudan, pour ensuite voir le plus jeune pays du monde s'enfoncer à nouveau dans le chaos, à peine deux ans et demi plus tard.
Le conflit a fait plusieurs dizaines de milliers de morts et poussé des millions de Sud-soudanais à fuir leurs foyers.
"Les citoyens pensaient que ces dirigeants ne nous ramèneraient pas vers la guerre parce que ce sont les dirigeants qui se sont battus pour ce pays, ce sont les dirigeants qui nous ont menés vers l'indépendance", rappelle-t-elle, en référence à Kiir et Machar, d'anciens frères d'armes.
"C'est tout le contraire qui s'est passé: ils nous ont ramené en arrière, ils ont échoué à prendre leurs responsabilités", ajoute-t-elle. "Ce sont des gens qui se fichent pas mal de nous les citoyens, ce sont des gens qui ne pensent qu'à leurs fonctions".
Selon le nouvel accord de paix, M. Kiir reste le président du Soudan du Sud, tandis que Riek Machar retrouve son ancien poste de premier vice-président.
Déjà vu
Une forme de statu quo, avec les mêmes dirigeants aux mêmes postes, qui a déçu également les observateurs étrangers.
Pour John Prendergast, de l'organisation américaine Enough Project, l'accord d'Addis Abeba comporte "des lacunes significatives".
"Il manque un véritable contrôle de la présidence, qui dispose d'ores et déjà de pouvoirs immenses, lesquels sont en priorité utilisés pour piller les ressources du pays et déployer une violence extrême contre ses opposants", estime M. Prendergast.
"Ce nouvel accord de paix n'est pas en mesure de défaire le détournement des revenus de l'Etat puisqu'il confie (les rênes du pouvoir) aux mêmes politiciens corrompus, sans véritable contrôle", ajoute-t-il.
Deux diplomates en poste à Addis Abeba ont fait part à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, de leur prudence.
"Le scepticisme prévaut", a concédé le premier tandis que pour le second, l'accord de paix "n'est certainement pas parfait".
Mais pour ces diplomates et plus largement les dirigeants de la région impliqués dans des efforts de paix depuis près de cinq ans, un accord imparfait vaut mieux que pas d'accord du tout.
"Nous demeurons préoccupés par le niveau d'engagement des parties à cet accord", a ainsi mis en garde le groupe de la "Troika", qui réunit la Norvège, le Royaume-Uni et les Etats-Unis - parrains historiques de l'indépendance du pays et importants bailleurs de fond.
Et le groupe de demander aux leaders sud-soudanais un "changement d'attitude", faute de quoi l'accord "ne sera pas en mesure d'apporter la paix que le peuple du Soudan du Sud mérite".
Beaucoup plus optimiste, Xu Jinghu, la représentante spéciale du gouvernement chinois pour les Affaires africaines, a voulu voir dans l'accord de paix "une pratique exemplaire de solution africaine à un problème africain par des Africains".
Un sentiment qui ne trouvait guère d'écho parmi les Sud-Soudanais interrogés jeudi par l'AFP.
"L'accord de paix est signé et c'est mieux que pas d'accord du tout, mais je ne pourrai féliciter les parties que si elles le mettent en oeuvre", a ainsi témoigné Mary Nyoka, une enseignante à Juba, échaudée par l'échec du précédent accord de paix (2015) et les violations d'innombrables cessez-le-feu.
Susy Williams était pour sa part tout à fait pessimiste: "Je ne pense pas qu'il y ait le moindre espoir".
Avec AFP