Face aux craintes d'une aggravation de la situation, l'ONU a décidé de faire partir son personnel, alors que le Royaume-Uni a rappelé les employés "non essentiels" de son ambassade à Khartoum et déconseillé aux Britanniques de se rendre dans ce pays.
Amnesty International a demandé à l'Union africaine et à l'ONU de "prendre des mesures immédiates afin de demander des comptes aux responsables de cette violence".
Condamnant la répression, les Etats-Unis ont appelé les militaires au pouvoir à "renoncer à la violence" et réaffirmé leur souhait d'une transition menée par un gouvernement civil en vue de l'organisation d'élections à une "date appropriée".
Durant la journée, des coups de feu ont été entendus dans les rues de la capitale Khartoum, où des paramilitaires, les Forces de soutien rapide (RSF), ont été déployés ainsi que dans d'autres villes du pays en proie à une contestation inédite depuis décembre qui a abouti à la destitution du président Omar el-Béchir le 11 avril.
Considérées comme issues des anciennes milices des Janjawid accusées d'atrocités durant le conflit au Darfour dans l'ouest soudanais, ces forces sont accusées par les chefs de la contestation d'être les principaux auteurs de la dispersion brutale des rassemblements, principalement le sit-in devant le QG de l'armée lundi, qualifiée de "massacre".
Un dernier bilan du comité central des médecins a fait état d'au moins 108 civils tués et de plus de 500 blessés en trois jours, la grande majorité dans la dispersion du sit-in. Parmi les morts, 40 ont été retrouvés dans les eaux du Nil, a dit cette source sans donner d'autre détail.
- "Imposer l'autorité" -
En raison de l'insécurité, la capitale a ressemblé à une ville fantôme en ce jour de célébration de la fête musulmane du Fitr, marquant la fin du ramadan: boutiques au rideau de fer baissé, circulation très réduite, seules quelques personnes se sont aventurées dans la rue.
L'internet mobile n'est plus accessible depuis lundi, alors que les réseaux sociaux jouent un rôle majeur dans le mouvement de contestation.
Faisant craindre un conflit ouvert, les chefs de la contestation, qui réclament depuis la chute de M. Béchir le transfert du pouvoir aux civils, ont rejeté l'offre de dialogue du Conseil militaire de transition qui a succédé au président déchu et est accusé d'avoir ordonné la répression.
"Le peuple soudanais n'est ouvert ni aux négociations, ni à ce Conseil militaire qui tue des gens", a indiqué à l'AFP Amjad Farid, porte-parole de l'Association des professionnels soudanais, l'une des formations clés de la contestation.
Les négociations entre les deux camps ont été suspendues le 20 mai, chaque camp refusant de céder. Et les milliers de manifestants au sit-in qui était en place devant le QG de l'armée depuis le 6 avril, exigeaient le transfert du pouvoir aux civils.
Les généraux nient avoir "dispersé par la force" le sit-in, évoquant une "opération de nettoyage" à proximité qui a mal tourné.
Dans un discours télévisé plus tôt dans la journée, le chef du Conseil militaire, Abdel Fattah al-Burhane, a dit "regretter ce qu'il s'est passé" à Khartoum lundi. Il a affirmé être "ouvert" "aux négociations sans restriction", mettant en avant "l'intérêt national" et appelant à ouvrir "une nouvelle page".
Les généraux avaient décidé mardi d'annuler tous les points sur lesquels ils étaient tombés d'accord avec les chefs de la contestation durant les négociations, et appelé à la tenue d'élections dans un délai de neuf mois.
Les représentants des manifestants avaient eux aussi annoncé la rupture de "tout contact" avec les militaires et rejeté l'appel à des élections par le Conseil qualifié de "putschiste".
Mercredi, le chef adjoint du Conseil militaire, Mohamad Hamdan Daglo, un ancien chef des Janjawid et chef des RSF, a prévenu qu'il ne permettrait pas le "chaos" au Soudan. "Il faut imposer l'autorité de l'Etat par le droit", a-t-il dit dans une allocution devant ses hommes, retransmise par la télévision nationale.
Il faisait référence aux barricades de fortune, faites d'amoncellements de pierres, de troncs d'arbres ou de pneus enflammés, érigées par les manifestants qui disent vouloir se protéger des RSF et contester l'autorité du pouvoir en place.
- "Action urgente" -
A Omdourman, ville jumelle de Khartoum, les forces de sécurité patrouillent à bord de véhicules notamment équipés de mitrailleuses et canons anti-aériens.
Les RSF, d'ordinaire cantonnées à d'autres régions en conflit au Soudan, sont accusées par de nombreux Soudanais et des organisations de défense des droits humains d'avoir commis de graves exactions au Darfour.
La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH) et deux organisations soudanaises des droits humains ont jugé "nécessaire" une "action urgente" de la communauté internationale au Soudan face à la "répression violente" de la contestation par les RSF et d'autres forces de sécurité".
La communauté internationale, y compris Ryad, un allié des généraux soudanais, a appelé à la reprise du dialogue.
Mais "en ordonnant les attaques, le Conseil militaire a mis en péril le processus de transition et de paix au Soudan", ont dénoncé Washington, Londres et Oslo.
Avec AFP