A Khartoum, magasins et restaurants ont commencé à rouvrir mercredi après la décision des contestataires de mettre fin au mouvement de désobéissance civile lancé après la répression meurtrière, afin de donner une chance à une reprise de pourparlers avec les généraux.
Beaucoup d'habitants semblent toutefois préférer rester chez eux en raison du déploiement toujours massif des forces de sécurité, lourdement armées.
Après le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed qui est allé dans la capitale soudanaise le 7 juin, c'est au tour des Etats-Unis de tenter d'oeuvrer à une médiation afin de trouver "une solution politique et pacifique".
A cette fin, le département d'Etat a annoncé la nomination d'un émissaire spécial pour la crise au Soudan, l'ex-diplomate Donald Booth, qui est arrivé mercredi à Khartoum avec le secrétaire d'Etat américain adjoint chargé de l'Afrique, Tibor Nagy.
Après trois jours de quasi-paralysie de la capitale, un représentant de la médiation éthiopienne avait annoncé mardi que les deux camps avaient accepté de prochainement retourner à la table des négociations.
Mais un responsable de l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC), le fer de lance du mouvement de protestation déclenché en décembre 2018, Madani Abbas, a déclaré à des journalistes que "tout accord (obtenu avec les généraux) devrait être accompagné de garanties régionales et internationales" pour sa mise en oeuvre", sans plus de précisions.
Les pourparlers entre les deux camps avaient été suspendus le 20 mai, chaque partie voulant diriger la future instance censée mener la transition pendant trois ans.
Une campagne de désobéissance civile avait été déclenchée dimanche pour maintenir la pression sur les généraux au pouvoir, après le net durcissement de la répression avec la dispersion sanglante le 3 juin d'un sit-in qui se déroulait depuis le 6 avril devant le QG de l'armée.
- Patrouilles et mitrailleuses -
Les deux responsables américains doivent avoir plusieurs réunions avec les généraux, dont le chef du Conseil militaire de transition, Abdel Fattah al-Burhane, ainsi qu'avec les leaders du mouvement de contestation.
Ils doivent ensuite se rendre à Addis Abeba pour discuter de la crise soudanaise avec les responsables éthiopiens et de l'Union africaine, qui a suspendu le 6 juin la participation du Soudan à ses activités jusqu'à la mise en place d'une autorité civile de transition.
Après le renversement par l'armée du président Omar el-Béchir le 11 avril, les manifestants avaient refusé de lever le camp, exigeant un transfert du pouvoir aux civils.
Mardi soir, le Conseil de sécurité de l'ONU a fermement condamné les violences contre les civils. Il a souligné l'importance du respect des droits humains et appelé à la reprise du dialogue.
Selon un comité de médecins proche des contestataires, plus de cent personnes ont été tuées depuis le durcissement de la répression qui a aussi fait plus de 500 blessés, la majorité dans la dispersion du sit-in. Les autorités estiment à 61 le nombre des morts, dont 49 à la suite de "tirs à balles réelles" à Khartoum.
Mercredi matin, un correspondant de l'AFP a parcouru différents quartiers de la capitale et vu des bus circuler ainsi que les rideaux de fer de magasins levés. Plus tard dans la journée, plusieurs restaurants ont rouvert et des vendeurs de rue ont repris leurs activités.
Des bennes à ordures ont circulé dans les rues et des centaines de Soudanais ont aussi fait la queue devant les distributeurs automatiques de billets, et ce des heures durant, pour retirer des espèces auprès d'institutions bancaires partiellement renflouées.
Le principal marché de l'or de la capitale est toutefois resté fermé et les passants étaient peu nombreux.
"Je reste chez moi car je suis inquiet de la présence des forces de sécurité qui sont armées", a expliqué Samar Bachir.
Des véhicules équipés de mitrailleuses des Forces de soutien rapide (RSF) -paramilitaires accusés d'être à l'origine de la dispersion du sit-in et de la répression qui a suivi- patrouillent dans divers quartiers.
- Médiations -
Né en décembre d'une colère contre le triplement du prix du pain dans un pays en plein marasme économique, le mouvement de contestation a rapidement pris une tournure politique.
L'annonce de la reprise des négociations intervient après que les meneurs de la contestation avaient annoncé lundi qu'ils comptaient rendre publique la composition de leur propre instance dirigeante.
Outre les Etats-Unis et les pays africains voisins, plusieurs Etats arabes suivent de près la situation au Soudan.
"La détente au Soudan invite à l'optimisme quant à un accord sur une période de transition fondée sur un partenariat réel et solide" entre les parties, a déclaré mercredi Anwar Gargash, le numéro deux de la diplomatie des Emirats arabes unis.
Selon des experts, les Emirats, l'Egypte et l'Arabie saoudite semblent soutenir les généraux tandis que Washington plaide pour une transition menée par les civils.
Avec AFP