"C'est un jour triste pour toute la nation, nous avons perdu des patriotes", a regretté le président de la chambre basse du Parlement éthiopien, dont une déclaration a été lue dimanche soir par un présentateur à la télévision nationale.
Le ministre de la Défense Lemma Megresa a lui assuré dimanche soir à la télévision que ces évènements ont mis le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique "dans une position difficile".
Car ces deux attaques sont un nouveau coup de taille porté à l'agenda réformiste et progressiste du Premier ministre Abiy Ahmed, qui a malgré lui donné un nouvel élan à des tensions ethniques ayant fait plus d'un million de déplacés.
Dans la nuit de samedi à dimanche, le bureau du Premier ministre avait assuré qu'une "tentative orchestrée de coup d'Etat s'est produite contre l'exécutif du gouvernement régional de l'Amhara", une des neuf régions autonomes d'Ethiopie, et la deuxième la plus peuplée du pays.
Samedi après-midi, le président de la région Amhara Ambachew Mekonnen et un de ses conseillers, qui participaient à une réunion, ont été tués par un commando armé à Bahir Dar, la capitale régionale. Le procureur général de la région Migbaru Kebede, également présent à cette réunion, a succombé lundi matin à ses blessures.
Dans une attaque séparée, mais qui, selon les autorités, semble "coordonnée", le chef d'état-major des forces armées éthiopiennes, le général Seare Mekonnen, a été tué quelques heures plus tard par son garde du corps à son domicile d'Addis Abeba alors qu'il "menait l'opération" de réponse aux attaques de Bahir Dar.
Le garde du corps a été arrêté, de même que de nombreux participants à l'attaque contre le gouvernement de l'Amhara, selon les autorités.
Coup d'Etat?
L'éventuel lien entre les deux attaques ainsi que leurs motifs restent à éclaircir, alors que de les observateurs mettent en doute l'affirmation des autorités qu'il s'agissait d'une tentative de coup d'Etat.
Selon eux, une tentative de coup d'Etat implique généralement d'importantes manoeuvres militaires ainsi que la prise de contrôle de points stratégiques comme les aéroports ou les médias.
Les autorités ont accusé le chef de la sécurité de la région Amhara, le général Asaminew Tsige, d'être derrière l'attaque de Bahir Dar. Arrêté pour un présumé complot remontant à 2009, amnistié et libéré en 2018, il est toujours en fuite, selon plusieurs sources.
Selon William Davison, expert du think tank International Crisis Group, M. Asaminew est un nationaliste Amhara favorable à la "reconquête" de la région Tigrée, au nord, et entraînait des milices. "Il est possible que son éviction imminente, soutenue par le gouvernement fédéral (...) ait provoqué cette attaque mortelle", a estimé M. Davison.
Le président de la région Amhara, M. Ambachew, était lui un allié de M. Abiy. Son discours visait à l'apaisement face aux tensions ethniques.
Lundi, des résidents de Bahir Dar interrogés par l'AFP ont indiqué qu'après une journée de dimanche tendue, les habitants de la ville circulent comme à leur habitude et les commerces ont ouverts. Selon eux, la situation est normale, à l'exception du déploiement de membres de la police fédérale, principalement autour des bâtiments de l'administration régionale.
A Addis Abeba, des membres des forces spéciales ont été déployés notamment à l'aéroport, a constaté un journaliste de l'AFP. Les activités commerciales et le trafic semblaient eux normaux lundi.
Internet est coupé depuis samedi soir.
Assouplissement
Ces deux attaques interviennent dans un contexte tendu pour l'Ethiopie.
Les Amhara représentent le deuxième groupe ethnique d'Ethiopie, après les Oromo. Ces deux ethnies ont été à l'avant-garde de deux ans de manifestations qui ont provoqué la chute de l'ancien Premier ministre Hailemariam Desalegn.
Son successeur, M. Abiy, un Oromo, s'est efforcé de démocratiser le pays, légalisant des groupes dissidents et améliorant la liberté de la presse.
Mais cet assouplissement a également permis une expression plus libre des tensions ethniques, qui ont souvent pour enjeu des terres ou des ressources, et se sont traduites par des violences meurtrières dans le deuxième pays le plus peuplé d'Afrique (plus de 100 millions d'habitants).