Depuis la mort dans un raid américain vendredi à Bagdad du puissant général iranien Qassem Soleimani, le monde entier redoute une escalade, voire une véritable déflagration.
Depuis l'avion présidentiel Air Force One qui le ramenait à Washington après deux semaines de vacances en Floride, le locataire de la Maison Blanche n'a rien fait pour apaiser les inquiétudes.
Interrogé sur l'attitude de Téhéran, qui crie "vengeance" et promet une riposte "militaire", il a opté pour un ton très dur: "S'ils font quoi que ce soit, il y aura des représailles majeures".
Le président républicain a par ailleurs maintenu sa menace de détruire des sites culturels iraniens. "Ils ont le droit de tuer nos ressortissants (...) et nous n'avons pas le droit de toucher leurs sites culturels? Cela ne marche pas comme ça", a-t-il lancé.
Dimanche soir, comme la veille, des roquettes se sont abattues près de l'ambassade américaine dans la Zone verte de Bagdad, sans faire de victimes, selon des témoins.
Depuis plus de deux mois, des dizaines de roquettes ont frappé des zones où se trouvent diplomates et militaires américains en Irak, tuant un sous-traitant américain fin décembre.
Les assassinats du général Soleimani et d'Abou Mehdi al-Mouhandis, numéro deux du Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires pro-Iran intégrés aux forces de sécurité, ont créé un consensus rare contre les Etats-Unis en Irak, secoué depuis des mois par une révolte notamment contre la mainmise de l'Iran.
Au Parlement, en l'absence des députés kurdes et de la plupart des députés sunnites, de nombreux élus ont scandé "Non à l'Amérique!".
Le chef du Parlement Mohammed al-Halboussi a ensuite lu une décision qui "contraint le gouvernement à préserver la souveraineté du pays en retirant sa demande d'aide" au Conseil de sécurité de l'ONU pour combattre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) - et donc à retirer son invitation à la coalition internationale.
Cette dernière a déjà dit avoir "suspendu" le combat contre l'EI, car elle se consacre désormais "totalement" à la protection de ses troupes.
- "Remboursement" -
Quelque 5.200 soldats américains sont actuellement stationnés en Irak.
Si le vote a été salué par l'Iran, Donald Trump a très vivement réagi, évoquant la possibilité d'imposer des sanctions "très fortes" à l'encontre de Bagdad.
"S'ils nous demandent effectivement de partir, si nous ne le faisons pas sur une base très amicale, nous leur imposerons des sanctions comme ils n'en ont jamais vu auparavant", a-t-il lancé.
"Nous avons une base aérienne extraordinairement chère là-bas. Elle a coûté des milliards de dollars à construire. Nous ne partirons pas s'ils ne nous remboursent pas!", a-t-il martelé.
Les Brigades du Hezbollah, la faction la plus radicale du Hachd, avaient appelé samedi les soldats irakiens à s'éloigner "d'au moins 1.000 mètres" des sites où sont présents des soldats américains à partir de dimanche soir, sous-entendant que ces sites pourraient être la cible d'attaques.
Le mouvement chiite libanais Hezbollah, dont les hommes sont engagés en Syrie auprès du régime de Bachar al-Assad et de son allié iranien, a affirmé de son côté que l'armée américaine "paierait le prix de l'assassinat" de Soleimani.
Face à la montée des tensions, Washington a annoncé récemment le déploiement de 3.000 à 3.500 soldats supplémentaires dans la région.
Dénonçant des "violations de la souveraineté de l'Irak", Bagdad a annoncé dimanche avoir convoqué l'ambassadeur américain et porté plainte auprès du Conseil de sécurité de l'ONU.
Les morts de Soleimani et Mouhandis ont suscité une immense émotion en Irak et en Iran.
Dimanche, une marée humaine d'hommes et de femmes en pleurs criant "Mort à l'Amérique" a déferlé dans plusieurs villes d'Iran, notamment la cité sainte chiite de Machhad (nord-est) où le cercueil de Soleimani est arrivé.
- Les "deux occupants" -
Les tensions entre Washington et Téhéran n'ont cessé de croître depuis le retrait unilatéral des Etats-Unis d'un accord international sur le nucléaire conclu en 2015, retrait assorti du retour de lourdes sanctions américaines contre Téhéran. Un an après ce retrait, l'Iran a commencé à s'affranchir de certains des engagements pris dans le cadre de l'accord destiné limiter son programme nucléaire.
L'Iran a annoncé dimanche la "cinquième et dernière phase" de ce plan de réduction de ses engagements, affirmant qu'il ne se sentait désormais plus tenu par aucune limite "sur le nombre de ses centrifugeuses".
Téhéran avait indiqué plus tôt que son annonce "tiendrait compte" de la "situation nouvelle" créée par l'assassinat du général.
L'Iran a cependant indiqué qu'il continuerait à se soumettre volontairement au programme d'inspection particulièrement draconien mis en place à la suite de l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien.
Donald Trump a justifié l'assassinat de Soleimani en assurant qu'il préparait des attaques "imminentes" contre diplomates et militaires américains.
Avec la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre britannique Boris Johnson, le président français Emmanuel Macron a convenu de "travailler ensemble pour réduire les tensions dans la région", selon Berlin.
L'escalade en Irak a fait complètement passer au second plan la révolte contre les dirigeants, jugés corrompus et incompétents et qui n'arrivent pas à s'entendre pour former un gouvernement.
Les protestataires ont cependant encore défilé en nombre dimanche dans le sud, pour dénoncer "les deux occupants: l'Iran et les Etats-Unis".
Avec AFP