Début novembre, sous la houlette des Etats-Unis et de la Banque mondiale, les trois pays africains avaient fixé à ce mercredi la date-butoir pour "aboutir à un accord" sur le grand barrage éthiopien de la Renaissance voulu par Addis Abeba.
Après plus de deux mois de dernières tractations plus ou moins fructueuses, leurs ministres des Affaires étrangères et de l'Eau ont donc eu des réunions ces trois derniers jours dans la capitale des Etats-Unis avec le secrétaire américain au Trésor et le président de la Banque mondiale, observateurs du processus.
"Les ministres ont constaté les progrès réalisés", écrivent les participants dans un communiqué commun.
Au coeur de la dispute, le barrage long de 1,8 km et haut de 145 m dont la construction a été entamée en 2012 par l'Ethiopie. Ce gigantesque projet de quatre milliards de dollars est censé, dans l'esprit des Ethiopiens, commencer à produire de l'électricité d'ici fin 2020 pour être complètement opérationnel d'ici 2022. Il doit devenir la plus grande centrale hydroélectrique d'Afrique avec une production de 6.000 mégawatts.
Mais Le Caire craint qu'il n'entraîne une réduction du débit du Nil Bleu, fleuve dont l'Egypte dépend à plus de 90% pour son approvisionnement en eau.
Neuf années de négociations n'ont pas permis d'aboutir à un accord.
- Risque de "guerre" -
Mais les tractations se sont accélérées ces derniers mois sur la question-clé du remplissage du réservoir de la future digue, censé contenir 74 milliards de m3 d'eau. C'était la principale pierre d'achoppement, l'Egypte redoutant qu'un remplissage trop rapide n'affecte des millions d'Egyptiens pouvant manquer d'eau et avoir du mal à se nourrir.
L'Ethiopie, qui dit avoir un besoin critique de cette électricité pour son développement, souhaitait remplir le réservoir sur une période de quatre à sept ans, quand l'Egypte proposait une durée beaucoup plus longue.
Dans leur communiqué de mercredi à Washington, les acteurs concernés semblent avoir trouvé un début de compromis, qui doit être confirmé lors de l'accord définitif.
Selon ce texte, le remplissage aura lieu "par étapes" de manière "coopérative", essentiellement pendant la saison des pluies de juillet-août, voire jusqu'en septembre si les conditions sont réunies. Cette phase cruciale prendra en compte "les conditions hydrologiques" et "l'impact sur les réservoirs en aval".
La première phase de ce remplissage permettra de débuter la production d'électricité, mais des mesures seront prises pour "atténuer" les inconvénients pour l'Egypte et le Soudan "en cas de fortes sécheresses".
Le mécanisme pour les étapes suivantes du remplissage doit encore faire l'objet d'un accord qui parvienne à la quadrature du cercle: satisfaire les besoins en électricité éthiopiens sans affecter les deux autres pays pendant les périodes prolongées de sécheresse -- un fléau pour lequel les ministres ont convenu de la "responsabilité partagée" de leurs trois pays.
Plusieurs points techniques et juridiques restent donc à finaliser, et les ministres se retrouveront les 28 et 29 janvier à Washington pour parvenir à un "accord global sur le remplissage et la gestion" du barrage.
Le Nil Bleu, qui prend sa source en Ethiopie, rejoint le Nil Blanc à Khartoum pour former le Nil, qui traverse le Soudan et l'Egypte avant de se jeter dans la Méditerranée.
L'organisation de prévention des conflits International Crisis Group a prévenu en mars que ces pays pourraient "être poussés à la guerre" faute d'accord, car l'Egypte voit une "menace existentielle" dans tout ce qui menace son approvisionnement en eau.
En octobre, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, juste après avoir obtenu le prix Nobel de la paix, avait de son côté averti qu'"aucune force" n'empêcherait la construction du barrage.