Dans un pays qui a connu 13 accords de paix et trois guerres civiles en vingt ans, jusqu'à la prise de Bangui par une coalition de groupes rebelles en 2013, les alternatives sont de toute façon réduites: pour les signataires comme les partenaires internationaux, "il n'y a pas d'autre narratif", confie une source diplomatique.
Si les violences ont baissé au cours des premiers mois de 2019, depuis septembre, elles se sont multipliées dans le nord-est, fief des rébellions successives contre le pouvoir de Bangui.
La préfecture de la Vakaga, voisine du Soudan, est ravagée par un conflit entre groupes signataires de l'accord. Ces affrontements se sont propagés à la préfecture voisine de la Haute Kotto et ont fait des dizaines de victimes fin janvier.
En dehors des massacres de Paoua en mai, la Centrafrique n'a plus connu de tueries de masse, mais des exactions contre les civils sont relevées presque quotidiennement sur un territoire toujours contrôlé aux deux tiers par les rebelles. Le nombre de déplacés internes a même augmenté en 2019, par rapport à l'année précédente, selon l’ONU.
Quelques progrès ont pourtant été enregistrés depuis un an. Principalement dans le nord-ouest, où les combattants de plusieurs groupes armés de moindre envergure ont pris part au processus de désarmement et démobilisation censé assurer leur retour à la vie civile.
En parallèle, l'Etat centrafricain a amorcé son difficile retour: le nombre de fonctionnaires sur le territoire a quasiment triplé depuis 2013. Et l'armée centrafricaine formées par l'Union européenne et la Russie, s'est redéployée dans plusieurs localités.
Depuis 2014, c'est une opération de l'ONU en Centrafrique (Minusca) qui tente de prévenir les violences.
Pour la première fois depuis la signature de l'accord, les militaires centrafricains ont affronté des rebelles issus de l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC), un groupe signataire de l’accord, début janvier.
Car entre les mouvements armés et le pouvoir de Bangui, le ton s'est durci.
- Présidentielle en ligne de mire -
Dressant un "constat d'échec" de la mise en oeuvre de l'accord début janvier, les leaders rebelles ont rappelé leurs revendications: libération de prisonniers, intégration de leurs combattants dans l'armée, autonomie accrue des régions délaissées par le pouvoir central.
"La clef de voûte de l’accord, in fine, est d’arriver à désarmer les combattants rebelles et à les intégrer dans l’armée", explique Hans de Marie, chercheur à L'International Crisis Group (ICG). Mais dans l'Est, "le processus de désarmement est au point mort".
Pour les groupes armés qui rechignent à désarmer leurs combattants et continuent de perpétrer des exactions, l'impunité demeure.
"L'Union Africaine a été au cœur de la négociation de cet accord" indique Thierry Vircoulon, directeur de l'observatoire Afrique centrale à l'Institut français des relations internationales. "Dans la mise en œuvre, c'est elle aussi qui tire les ficelles. Sa stratégie était de faire en sorte que cet accord tienne, quel qu'en soit le prix".
Un prix qui sera peut-être payé dans les urnes: déjà embarrassé par le retour inattendu de l'ancien président François Bozizé en décembre, le chef de l’Etat Faustin-Archange Touadéra peut difficilement capitaliser sur les dividendes de cette paix fragile pour assurer sa réélection lors de la présidentielle de décembre 2020.
Le pouvoir de Bangui fait aussi les frais de la politique "d'inclusivité" prévue par l'accord qui a permis à plusieurs responsables de groupes armés d'obtenir des postes dans le gouvernement et suscité de nombreuses critiques.
"Dès le début, l'opposition et la société civile se sont tous prononcés contre l'accord", rappelle Thierry Vircoulon et son "principal impact (...) est politique". Selon lui,"ce qui est en jeu, c'est l'élection présidentielle de décembre 2020".