Deux des hommes condamnés par la Cour criminelle de Bangui sont Crépin Wakanam, dit "Pino-Pino", et Kevin Bere Bere, dit "Béré-Béré", les principaux chefs d'un groupe armé anti-balaka --du nom de milices d'auto-défense à majorité chrétienne et animiste--, qui avait perpétré un massacre à Bangassou, dans le sud, contre des civils musulmans le 13 mai 2017.
"C'est la première fois qu'une condamnation pour crimes contre l'Humanité est prononcée par un tribunal centrafricain", s'est félicité dans un entretien avec l'AFP le ministre de la Justice Flavien Mbata, ce qu'a confirmé la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH).
Le "général Pino-Pino" et le "lieutenant Béré-Béré" étaient à la tête d'une milice anti-balaka qui avait notamment attaqué le 13 mai 2017 le quartier de Tokoyo et une base de l'ONU dans la localité de Bangassou.
Selon l'ONU, l'assaut ce jour-là, ainsi que des heurts les jours d'avant et d'après, avaient fait 72 morts, 76 blessés et 4.400 déplacés. Les membres de la communauté musulmane qui se trouvaient réfugiés dans l'église catholique de cette ville avaient été particulièrement visés le 13 mai.
Dix casques bleus ont également été tués au cours d'attaques menées par des miliciens entre mai et novembre 2017 dans Bangassou et ses environs.
-"mettre un terme à l'impunité"-
Les verdicts, lus par le président de la Cour pour chacun des accusés, ne sont susceptibles que d'un recours en cassation. A leur énoncé, tous les condamnés sont restés tête basse, dans un silence de plomb dans cette salle du tribunal où policiers et militaires étaient déployés en nombre. Les familles des accusés avaient été maintenues à l'extérieur du bâtiment.
En tout, 28 accusés étaient jugés. Trois autres ont été condamnés à la même peine et pour les mêmes chefs que Béré-Béré et Pino-Pino en tant que cadres de la milice: Romaric Mandago, Patrick Gbiako et Yembeline Mbenguia Alpha.
Le reste, des combattants, ont écopé de peines allant de 10 à 15 années de travaux forcés notamment pour assassinats et détention illégale d'armes.
La FIDH a salué dans un communiqué "ce verdict, qui démontre la volonté grandissante des autorités judiciaires centrafricaines à mener à leur terme des procès de premier plan contre les responsables des violences et crimes internationaux qui endeuillent" ce pays parmi les plus pauvres du monde depuis plus de sept années.
La Centrafrique est plongée dans une guerre civile meurtrière depuis que le président François Bozizé a été renversé en 2013 par la Séléka, une coalition de groupes rebelles à dominante musulmane. Des milices populaires, les anti-balaka, avaient été créées pour combattre la Séléka, entraînant le pays dans une spirale infernale.
Si la signature, il y a un an, d'un accord de paix à Khartoum entre le pouvoir de Bangui et 14 groupes armés a permis une baisse significative des affrontements, le pays reste secoué par des combats réguliers et des crimes dont sont encore victimes de nombreux civils. Deux tiers du territoire restent aux mains de groupes armés rivaux.
"Béré-Béré" s'était rendu le 21 janvier 2018 aux Casques bleus de la base de la Mission des Nations Unies en Centrafrique (Minusca), pour réclamer leur protection contre "Pino-Pino", qui s'était retourné contre lui.
Quatre mois plus tard, "Pino-Pino" avait été arrêté en République démocratique du Congo avec 33 membres de sa milice, tous extradés à Bangui.
C'était la première fois qu'un massacre de cette ampleur faisait l'objet d'un procès devant un tribunal centrafricain, alors que la Cour pénale spéciale (CPS), une juridiction hybride composée de juges nationaux et internationaux, chargée depuis 2018 de juger les violations graves des droits humains, n'a pas encore dévoilé le contenu de ses enquêtes.
"Et la cour pénale spéciale, et la Cour pénale internationale, et les juridictions criminelles doivent mettre un terme à l'impunité", a martelé le procureur général de Bangui Eric Tambo dans un entretien avec l'AFP.