L'Éthiopie a déclaré mercredi l'état d'urgence pour lutter contre le nouveau coronavirus, qui a affecté officiellement 55 personnes et fait deux morts dans le pays.
C'est la première fois que l'état d'urgence est instauré en Ethiopie depuis l'arrivée au pouvoir en avril 2018 du Premier ministre Abiy Ahmed, qui a depuis tenté de favoriser les libertés politiques dans ce pays jusque-là très autoritaire.
"Parce que la pandémie de coronavirus s'aggrave, le gouvernement éthiopien a décidé de déclarer un état d'urgence dans le cadre de l'article 93 de la Constitution", a annoncé M. Abiy dans un communiqué.
"J'appelle chacun à soutenir les organes du gouvernement et les autres qui tentent de surmonter ce problème", a ajouté le Premier ministre, menaçant de "sérieuses mesures légales" quiconque viendrait contrarier la lutte contre le virus.
Aucun détail n'a immédiatement été fourni sur les mesures exactes prises dans le cadre de cet état d'urgence et leur impact sur la vie quotidienne des gens.
Contrairement à d'autres pays de la région, comme le Rwanda ou l'île Maurice, l'Éthiopie, deuxième pays le plus peuplé du continent avec quelque 100 millions d'habitants, n'a pas imposé de confinement à sa population.
Selon la Constitution éthiopienne, dans le cas d'un état d'urgence, le Conseil des ministres "a tous les pouvoirs nécessaires pour protéger la paix et la souveraineté du pays", et peut suspendre des "droits politiques et démocratiques".
La Constitution prévoit également que l'état d'urgence doit être approuvé par le Parlement, et dure initialement pour un maximum de six mois, avant de pouvoir ensuite être prolongé tous les quatre mois.
Cette annonce risque d'entraîner une hausse des "opérations sécuritaires avec un rôle accru du gouvernement fédéral, dont l'armée", a estimé William Davison, un expert de l'International Crisis Group (ICG).
"Si on peut comprendre cette approche étant donné la situation, il est essentiel qu'il y ait une transparence sur les pouvoirs supplémentaires du gouvernement et un contrôle approprié sur la manière dont ils sont mis en oeuvre", a-t-il ajouté.
Depuis la confirmation de son premier cas de coronavirus le 13 mars, l'Éthiopie a fermé ses frontières terrestres et ses écoles, libéré des milliers de prisonniers pour faire de la place dans des prisons bondées, désinfecté les principales rues de la capitale Addis Abeba et découragé les grands rassemblements.
Mais au cours du weekend, M. Abiy a estimé qu'un confinement serait irréaliste, car il y a "de nombreux citoyens qui n'ont pas de maison" et "même ceux qui ont des maisons doivent chaque jour joindre les deux bouts".
L'opposant Jawar Mohammed s'est dès lors interrogé mercredi sur la nécessité de l'état d'urgence. "Les responsables ont dit que ce pays était trop pauvre pour qu'on arrête les mouvements de population. Alors, pourquoi avez-vous besoin d'un état d'urgence si vous n'envisagez pas d'imposer des règles plus strictes?", a-t-il demandé.
Lors de discussions avec M. Abiy en début de semaine, l'un des partis d'opposition, le Front de libération oromo (OLF), a exprimé sa crainte que l'état d'urgence n'entraîne des abus des droits de l'homme comme cela a auparavant souvent été le cas.
Les observateurs se demandent également quelles conséquences aura cette mesure sur les prochaines élections générales, très attendues.
La Commission électorale a annoncé la semaine dernière le report sine die de ce scrutin prévu en août, à cause de la pandémie. Mais le mandat des parlementaires expire normalement en octobre aux termes de la Constitution.