Pour tenter d'endiguer la transmission du nouveau coronavirus, les autorités ont instauré un couvre-feu nocturne, fermé les frontières, interdit la circulation entre les régions ou encore fermé les hôtels et restaurants.
Depuis plus d'un mois, des secteurs clé comme la pêche ou le tourisme tournent au ralenti ou sont à l'arrêt, privant subitement de revenus d'innombrables travailleurs du secteur informel, qui vivent souvent au jour le jour.
Pour atténuer le choc subi par les populations les plus précaires, le gouvernement a promis d'effacer certains factures d'eau et d'électricité et lancé un plan de distribution d'aide alimentaire.
Ces derniers jours, des camions ont commencé à acheminer les vivres, notamment à Guinaw-Rails, à une vingtaine de kilomètres du centre de Dakar.
Entreposés dans l'arrière-cour d'un centre culturel, ces produits de première nécessité ont été répartis en lots individuels, composés de 100 kg de riz, 10 kg de savon, de sucre, d'huile et de pâtes alimentaires, d'une valeur de 66.000 francs CFA (100 euros).
Mardi, en présence des autorités, les premiers bénéficiaires sont venus retirer leurs colis. Seule une soixantaine d'entre eux avait reçu une invitation, sur quelque 3.200 familles concernées dans ce quartier populaire de la ville de Pikine, coincé entre une bretelle d'autoroute et une voie de chemin de fer désaffectée.
"Nous allons procéder par lot de 30 ménages, pour éviter les rassemblements. Chaque ménage est convoqué à une heure précise", a expliqué sur place à l'AFP une responsable du ministère du Développement communautaire.
Dotée d'un budget de 69 milliards de francs CFA (105 millions d'euros), l'opération doit mobiliser quelque 888 camions, dont 35 de l'armée, pour convoyer ces vivres jusqu'aux régions éloignées.
Elle s'ajoute à des distributions à plus petite échelle organisées par des entreprises privées, des associations religieuses et des autorités locales.
Un million de ménages, soit de 8 à 10 millions de personnes sur 16 millions d'habitants, devraient recevoir cette aide gouvernementale en nature dans les prochains jours.
- Transmissions "communautaires" -
A Guinaw-Rails, Ami Sakho, une commerçante de 37 ans, était parmi les premières à attendre son colis. Vendeuse de poisson, elle a cessé de travailler depuis l'arrivée de la maladie.
"J'ai huit enfants avec mon mari, qui est polygame mais ne travaille pas. Je ne peux plus sortir à cause de cette maladie", dit-elle.
Elle se réjouit que "cette aide aille aux populations concernées, pour aider les pauvres", alors que de nombreux Sénégalais disaient craindre des détournements.
Diarra Ndiaye, la quarantaine, travaille dans une école, fermée comme toutes celles du pays.
"Cette aide va nous soulager. Mon mari est menuisier mais maintenant, il arrête le travail plus tôt", pour respecter le couvre-feu, qui débute à 20H00. "Nous n'avons pas de salaire. J'ai six enfants avec mon mari, qui a deux épouses", dit-elle.
Le ministre du Développement communautaire, Mansour Faye, a assuré lors d'une courte cérémonie que toute l'opération, qui doit durer une dizaine de jours, se déroulerait "dans les règles de l'art". "Nous avons fait un choix judicieux des ménages", a-t-il dit.
"C'est une opération d'une très grande envergure, d'une complexité importante. Je souhaite qu'on continue à veiller sur le respect des gestes barrière, en respectant la distanciation sociale", a affirmé le ministre.
Le Sénégal compte officiellement 823 cas de Covid-19, dont neuf décès. Des chiffres qui restent largement inférieurs à ceux enregistrés en Europe ou aux Etats-Unis, mais les autorités s'inquiètent de la progression des cas dits "communautaires", c'est-à-dire sans lien établi avec des cas déjà connus.
Un cas "communautaire" testé positif lundi a ainsi à lui seul contaminé 25 personnes, a indiqué mardi le ministère de la Santé.
Les commerçants, dont certains bravent l'interdiction de circuler pour acheminer leurs produits, notamment vers Dakar, sont particulièrement exposés. Ils sont aussi des vecteurs de transmission privilégiés.
En ce début de ramadan, les Sénégalais se sont également rassemblés sur les marchés ou ont fait la queue devant les boulangeries pour préparer la rupture du jeûne, sans toujours porter de masque, pourtant obligatoire.