Cette onde de choc donnae le ton d'une semaine qui s'annonce explosive.
Le président américain, qui refuse toujours de concéder sa défaite à la présidentielle du 3 novembre, a tenté, lors d'une longue conversation téléphonique, de rallier à sa cause Brad Raffensperger, l'élu républicain en charge des élections dans cet Etat, en alternant pressions et cajoleries.
"Il n'y a pas de mal à dire que vous avez recalculé", lui a-t-il notamment déclaré, selon un enregistrement de la discussion réalisé à son insu et rendu public par le Washington Post, puis d'autres médias.
"Tout ce que je veux, c'est trouver 11.780 bulletins (...) parce que nous avons gagné cet Etat", a-t-il justifié, alors que la victoire du démocrate Joe Biden en Géorgie avec environ 12.000 voix d'écart a été confirmée par un recomptage et des audits.
Invoquant des "rumeurs" de fraudes, Donald Trump a jugé, d'une voix étranglée par l'émotion, "injuste que l'élection (lui) ait été volée".
"Vous savez ce qu'ils ont fait et vous n'en parlez pas: c'est un délit, vous ne pouvez pas laisser ça avoir lieu, c'est un gros risque pour vous", a-t-il ajouté, menaçant.
Brad Raffensberger, qui était accompagné d'un avocat de l'Etat, n'a pas cédé. "Nous pensons que nos chiffres sont bons", a-t-il sobrement rétorqué.
La diffusion de cet enregistrement, que la Maison Blanche n'a pas souhaité commenter, a immédiatement suscité une onde de choc à Washington.
"Mépris de Trump pour la démocratie"
Le camp démocrate a immédiatement dénoncé des pressions "potentiellement répréhensibles". "Le mépris de Trump pour la démocratie est mis à nu", a commenté l'élu de la Chambre, Adam Schiff. Sa consoeur Debbie Wasserman Schultz a dénoncé l'acte d'un "président désespéré et corrompu".
"C'est accablant", a pour sa part tweeté l'élu républicain Adam Kinzinger, en appelant les membres de son parti à ne pas suivre le président dans sa contestation des résultats. "Vous ne pouvez pas faire ça en ayant la conscience tranquille", leur a-t-il lancé.
Le trouble était également palpable chez les républicains.
Si certains poids-lourds républicains, dont le chef des sénateurs Mitch McConnell, ont fini par admettre la victoire de Joe Biden, le président sortant bénéficie encore du soutien indéfectible de dizaines de parlementaires.
Donald Trump s'est lancé dès novembre dans une croisade pour nier la victoire de Joe Biden mais a essuyé des échecs systématiques devant la justice et auprès des élus locaux, y compris républicains, qui ont tenu face à ses pressions.
Le collège électoral a déclaré le 14 décembre la victoire au démocrate avec 306 grands électeurs contre 232 au président sortant, un score qui doit être certifié mercredi au Congrès en vue de la prestation de serment du 46e président des Etats-Unis le 20 janvier.
En prélude, le 117e Congrès a fait sa rentrée en grande pompe et les élus de la Chambre des représentants ont voté, d'une courte tête, pour reconduire la démocrate Nancy Pelosi, une habile stratège de 80 ans, au perchoir.
A deux jours d'une élection cruciale pour le contrôle du Sénat et à trois d'une session du Congrès destinée à graver dans le marbre la victoire de Joe Biden à la présidentielle, c'est toutefois la révélation d'une conversation entre le président sortant et un responsable de Géorgie qui a monopolisé l'attention.
A la Chambre comme au Sénat, ces élus ont promis d'exprimer leurs objections mercredi, lors d'une session du Congrès destinée à enregistrer formellement le vote des grands électeurs en faveur de Joe Biden (306 contre 232).
Au même moment, les partisans de Donald Trump se rassembleront à proximité de la Maison Blanche pour une démonstration de force.
Les interventions des parlementaires n'ont aucune chance d'empêcher l'investiture de Joe Biden le 20 janvier. Mais leur attitude pourrait compliquer la mission qu'il s'est fixée: "réconcilier" l'Amérique, en transcendant les divergences partisanes.
"L'avenir du pays"
Mais son succès dépendra surtout d'élections mardi en Géorgie qui détermineront le contrôle du Sénat. Pour que la chambre haute revienne dans le giron démocrate, leurs candidats devront impérativement remporter les deux sièges, un pari difficile.
Preuve de l'enjeu: Donald Trump et Joe Biden s'y rendront tous les deux lundi afin de soutenir les prétendants de leur camp.
"L'avenir du pays se joue ici, en Géorgie, sur nos bulletins de vote", a déclaré sur Fox News la sénatrice républicaine Kelly Loeffler, qui espère conserver son siège face au pasteur noir Raphael Warnock.
"C'est un choix entre nos libertés (...) et le socialisme", a-t-elle ajouté, reprenant l'argument massue brandi par les républicains dans cette course: le spectre d'un pouvoir basculant à gauche toute.
"Nous sommes sur le point de décrocher une victoire historique après quatre ans d'incompétence grossière, de racisme, de haine et de préjugés", a rétorqué sur CNN le démocrate Jon Ossoff qui, à 33 ans, espère ravir le siège du républicain David Perdue, 71 ans.
Sur le papier, les deux républicains font figure de favoris: David Perdue est arrivé en tête au premier tour, Kelly Loeffler devrait bénéficier du report des voix d'un autre conservateur.
Mais les démocrates misent sur la dynamique créée par la victoire de Joe Biden pour provoquer la surprise. La guérilla de Donald Trump pourrait aussi les servir: convaincus de l'existence de fraudes, les électeurs républicains pourraient être tentés de rester chez eux.