Le dossier porte sur le cas d'Abou Zoubeida, un Palestinien apatride de 50 ans, arrêté en 2002 au Pakistan dans le cadre de la traque d'Al-Qaïda et remis à l'agence américaine du renseignement.
Considéré à l'époque comme l'un des principaux membres de l'organisation jihadiste, il a été détenu dans plusieurs prisons secrètes ouvertes par la CIA à l'étranger et soumis à des interrogatoires poussés, assimilés à des séances de torture.
Selon un rapport du Sénat américain, il y a notamment subi 83 séances de "waterboarding", ces noyades simulées aujourd'hui interdites par les Etats-Unis, et a passé onze jours dans des boîtes, dont l'une de la taille d'un cercueil.
En 2006, il a été transféré sur la base militaire américaine de Guantanamo.
La CIA a reconnu depuis qu'il n'appartenait pas à Al-Qaïda et qu'il n'avait joué aucun rôle dans la préparation des attaques contre les tours jumelles ou le Pentagone.
Les autorités, qui ne l'ont jamais inculpé, estiment toutefois qu'il représente toujours "une menace pour la sécurité des Etats-Unis" et refusent de le libérer.
Faute de voir son dossier avancer aux Etats-Unis, il a porté plainte en 2010 contre la Pologne qu'il accuse d'avoir abrité un des "sites noirs" de la CIA où il a été torturé.
Les poursuites n'ont rien donné jusqu'en 2015, quand la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné Varsovie pour sa participation au programme de prisons secrètes de la CIA.
Un procureur polonais a alors rouvert le dossier d'Abou Zoubeida, lui demandant d'apporter des preuves de ses accusations.
Pour ce faire, le détenu a adressé des injonctions à deux anciens contractuels de la CIA, James Mitchell et Bruce Jessen. Ces deux psychologues ont mis au point les "techniques d'interrogatoire poussées" de l'agence et Abou Zoubeida a été leur premier cobaye, selon le rapport d'enquête du Sénat.
Bien que l'ancien président démocrate Barack Obama ait mis un terme définitif à ce programme en 2009, le gouvernement américain est intervenu dans la procédure, invoquant le secret d'Etat et la souveraineté nationale pour empêcher les deux hommes de témoigner.
Après avoir perdu en appel, il s'est tourné vers la Cour suprême qui a accepté de se saisir de la question.
"C'est une tentative de garder des informations secrètes", comme il y en a eu d'autres, a souligné en amont de l'audience David Cole, responsable juridique de la puissante association des droits civiques ACLU.
Mais dans ce dossier, a-t-il ajouté, "ce qui est étrange, c'est que tout le monde connaît le secret".