La condamnation de M. Rusesabagina, datant de septembre 2021, avait suscité des réprobations internationales et de défenseurs des droits. En mai 2022, Washington avait estimé qu'il était "injustement détenu" par la justice rwandaise. M. Kagame avait rétorqué que les Etats-Unis ne pouvaient pas l'"intimider" pour le forcer à le libérer.
"Paul Rusesabagina et (son co-accusé) Callixte Nsabimana ont eu leurs peines de prison commuées par ordre présidentiel, après examen de leurs requêtes de clémence", a dit à l'AFP la porte-parole du gouvernement rwandais Yolande Makolo.
Les condamnations de 18 autres personnes pour terrorisme ont aussi vu leurs peines commuées, a-t-elle ajouté. Mme Makolo a précisé que le Rwanda "note le rôle constructif du gouvernement américain dans la mise en place de conditions pour le dialogue sur cette question, de même que la facilitation apportée par le Qatar".
Mais elle a ajouté que "personne ne devrait se faire d'illusion sur ce que cela signifie, car il y a un consensus sur le fait que des crimes graves ont été commis, pour lesquels ils ont été condamnés". Selon une source gouvernementale qui a requis l'anonymat, M. Rusesabagina et les autres détenus devraient être remis en liberté samedi.
le gouvernement qatari a indiqué que l'opposant pourra aller au Qatar une fois qu'il aura été libéré. "La procédure pour son transfert au Qatar est en cours", a déclaré un porte-parole du ministère qatari des Affaires étrangères. "Il ira ensuite aux Etats-Unis", a-t-il ajouté, au lendemain d'une visite du président Paul Kagame à Doha.
Cette nouvelle intervient moins de deux semaines après une annonce du président Paul Kagame selon laquelle des "discussions" étaient en cours concernant l'emprisonnement de M. Rusesabagina. Les soutiens de l'opposant estiment que son procès a été une imposture marquée par des irrégularités. Et sa famille avait alerté sur l'état de santé déclinant de l'homme de 68 ans.
Ennemi de l'Etat
Un tribunal avait maintenu sa condamnation en mai 2022, ainsi que la plupart de celles de ses 20 co-accusés qui ont écopé de peines de trois à 20 ans de prison. M. Rusesabagina a été détenu pendant 939 jours, selon le site Free Rusesabagina (Libérez Rusesabagina). Paul Rusesabagina a été rendu célèbre par le film "Hôtel Rwanda", sorti en 2004, qui raconte comment ce Hutu modéré qui dirigeait l'Hôtel des Mille Collines dans la capitale rwandaise a sauvé plus de 1.000 personnes durant le génocide des Tutsi en 1994.
Opposant depuis plus de 20 ans à Paul Kagame, qu'il a accusé d'autoritarisme et d'alimenter un sentiment anti-Hutu, Rusesabagina a utilisé sa renommée hollywoodienne pour donner un écho mondial à ses positions. Ses tirades contre M. Kagame lui ont valu d'être traité comme un ennemi de l'Etat. Les défenseurs des droits humains accusent le Rwanda dirigé d'une main de fer par M. Kagame depuis la fin du génocide de 1994 au cours duquel 800.000 personnes ont été tuées de réprimer la liberté d'expression et l'opposition.
M. Rusesabagina vivait depuis 1996 en exil aux Etats-Unis et en Belgique, avant d'être arrêté à Kigali en 2020 dans des circonstances troubles, à la descente d'un avion qu'il pensait à destination du Burundi. "Sa remise en liberté concluerait une affaire qui a souligné le mépris flagrant du Rwanda pour les normes internationales", a dit à l'AFP Lewis Mudge, directeur Afrique centrale pour Human Rights Watch.
L'opposant a été jugé de février à juillet 2021 pour neuf chefs d'accusation, dont celui de "terrorisme", pour des attaques menées par le FLN, organisation classée terroriste par Kigali, qui ont fait neuf morts en 2018 et 2019. Paul Rusesabagina a admis avoir participé à la fondation en 2017 du Mouvement rwandais pour le changement démocratique (MRCD), dont le FLN est considéré comme le bras armé, mais il a toujours nié toute implication dans les attaques.