John Williams Ntwali, 44 ans, rédacteur en chef du journal The Chronicles, est mort le 18 janvier lorsqu'un véhicule a percuté la moto sur laquelle il se trouvait en tant que passager près de la capitale Kigali.
Le conducteur impliqué dans l'accident, qui a plaidé coupable, a été condamné le 7 février à verser une amende d'un million de francs rwandais, environ 860 euros. RSF, qui pointe dans un communiqué un "procès éclair", "dénonce une procédure opaque qui laisse de nombreuses zones d'ombre sur les circonstances de sa mort".
"Ce jugement a été rendu sur la base d'une enquête qui n'a jamais été rendue publique et qui de toute évidence s’est contentée de prendre en compte l'hypothèse d’un accident, sans explorer d'autres pistes", selon l'ONG, poursuivant: "En 2012, le journaliste, qui faisait déjà l'objet de menaces, avait été victime d’un accident similaire auquel il avait survécu".
"860 euros, est-ce le prix d’un homicide d’un journaliste au Rwanda?" s'interroge dans le communiqué le directeur du bureau Afrique de RSF, Sadibou Marong. Dans un tweet le 23 janvier, la porte-parole du gouvernement Yolande Makolo avait évoqué des "insinuations sans fondement".
Fin janvier, 90 organisations de défense des droits humains, principalement africaines, avaient appelé les autorités rwandaises à "une enquête indépendante, impartiale et efficace" qui s'appuierait sur des "experts internationaux", après la "mort suspecte" du célèbre journaliste.
"Ntwali", comme beaucoup l'appelaient, avait été placé de nombreuses fois en prison au cours de sa carrière parfois pour quelques heures, parfois plusieurs semaines. Il avait fondé la chaîne Pax TV sur YouTube, diffusant majoritairement des interviews, en langue kinyarwanda, de voix dissidentes.
Depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait au moins 800.000 morts principalement tutsi, le Rwanda est dirigé d'une main de fer par Paul Kagame. Loué pour les succès de sa politique de développement, le président est également critiqué par les groupes de défense des droits humains pour sa répression de la liberté d'expression.
Le pays est classé au 136e rang sur 180 pays pour la liberté de la presse RSF. "Depuis 1996, huit professionnels ont été tués ou sont portés disparus, et 35 ont été contraints à l'exil", écrit notamment RSF sur son site internet. Ces dix dernières années, les médias indépendants se sont raréfiés, bloqués par le pouvoir.