Al Sharpton, pasteur pentecôtiste et homme politique né à New York, est connu pour son activisme, notamment en faveur des droits civiques. Il fut candidat à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle de 2004. Le sénateur James Strom Thurmond, lui, était un Blanc membre du Parti démocrate, puis du Parti républicain. Ancien gouverneur de Caroline du Sud et ancien candidat à la présidence des États-Unis en 1948, il avait publié, en 1956, le « manifeste du Sud » qui protestait contre la décision de la Cour Suprême déclarant la ségrégation raciale anti-constitutionnelle. L’année suivante, M. Thurmond prononçait au Sénat un discours de 28 heures dans l’espoir de bloquer l'amendement relatif aux droits civiques. En vain.
Comment Al Sharpton a-t-il pu établir un lien entre sa famille et celle de Thurmond? Il faut dire que les Américains sont pris, depuis plusieurs années, d’un vif engouement pour la généalogie. La possibilité leur est offerte, par diverses sociétés, de découvrir leur arbre généalogique à partir d'un simple test d'ADN et d'une connexion à Internet. L’analyse de l’ADN peut permettre de retrouver ses ancêtres tant du côté maternel que paternel. Le cas d’Al Sharpton a fait l’objet des travaux des généalogistes du site Internet Ancestry.com et du quotidien New York Daily News.
C’est ainsi que ce pasteur noir a découvert, à sa grande stupeur, qu’il descend d’un esclave ayant appartenu à la famille du Sénateur Strom Thurmond. « J’ai tout ressenti : colère, indignation, fierté, gloire mais cela m’a amené aussi à réfléchir », a-t-il expliqué. Les documents rassemblés par les généalogistes d’Ancestry.com et du New York Daily News ont révélé que l’arrière-grand-père de M. Sharpton était un esclave appartenant à un cousin éloigné du sénateur Thurmond. Parmi ces documents: un contrat datant de 1861, des documents de recensement ainsi que des certificats de mariage et de naissance.
On ne saurait imaginer deux personnalités plus opposées. Al Sharpton est l’un des militants des droits civiques les plus en vue du pays. « Sommes-nous en train de revenir à une Amérique où seuls les propriétaires blancs de sexe masculin peuvent se lancer dans le processus électoral? » s’interrogeait-il lors de sa campagne pour l’élection présidentielle de 2004. Par contre, le sénateur Thurmond, lui, avait promis, lors de la présidentielle de 1948, de préserver à tout prix la ségrégation raciale. « Il n’y a pas assez de soldats dans l’armée pour forcer les gens du Sud à éliminer la ségrégation », lançait à l’époque M. Thurmond.
« Cette histoire des Thurmond et des Sharpton est l’histoire tout à la fois de la honte et de la gloire de l’Amérique. La honte est que des êtres humains pouvaient être considérés comme propriété privée. La gloire est que Strom Thurmond a brigué la présidence en 1948 sur un programme ségrégationniste. Je me suis présenté en 2004 sur un programme en faveur de la justice raciale. Et cela a montré ce que l’Amérique peut devenir », a déclaré, de son côté, Al Sharpton.
Le pasteur noir souhaite maintenant procéder à un test d'ADN pour déterminer si Strom Thurmond était son cousin éloigné, vu que les mélanges raciaux entre maîtres et esclaves étaient courants. Après tout, Strom Thurmond était lui même le père biologique d’une fille métisse, qui n’a dévoilé son identité qu’après la mort du sénateur. Elle était née d’une liaison entre le jeune Thurmond et une adolescente noire travaillant comme domestique pour la famille Thurmond en Caroline du Sud, dans les années 1920.