Le litige qui a opposé depuis 15 ans le Nigeria au Cameroun au sujet de Bakassi a pris fin ce jeudi avec le passage de cette péninsule sous souveraineté camerounaise : un règlement sur fond de menaces d'attentats proférées par de bandes armées opposées à ce transfert. Conformément à l'arrêt de la Cour internationale de justice de la Haye, statuant sur l'appartenance de Bakassi au Cameroun, le gouvernement nigérian a accepté ce ré-ajustement territorial.
La plupart des habitants de cette presqu'île d'une superficie de mille kilomètres carrés, des pêcheurs nigérians pour la plupart, ont choisi de faire de la résistance. Un groupe rebelle nigérian a lancé au mois de juillet, deux attaques contre les troupes camerounaises stationnées à Bakassi, et menace de récidiver. Les adversaires de cette modification de statut estiment que l'accord de transfert n'a jamais été ratifié par le parlement nigérian comme stipulé par la constitution nigériane.
L'un des partis d'opposition les plus en vue au Nigeria, l'Action Congress, estime que le transfert ne saurait être considéré comme légitime, tant qu'il n'a pas été ratifié par l'Assemblée nationale. C'est la position défendue par le député Lai Mohammed. « Il y a, dit-il, des circonstances où un arrêté municipal l'emporte sur le droit international.. C'est dire que, nonobstant la nécessité de respecter la légalité internationale, notre Constitution prévoit que tout traité portant sécession, acquisition, acquisition ou annexion d'une portion de notre territoire national doit être ratifié par l'Assemblée nationale. C'est ce que nous demandons au gouvernement de faire », a expliqué M. Mohammed.
Le président Umaru Yar'Adua a, pour sa part, qualifié le transfert de Bakassi de très douloureux. Il a cependant souligné que le Nigeria a le devoir de respecter ses engagements internationaux. Il n'avait pas d'autre choix, estime le professeur Peter Egom, qui enseigne les relations internationales à l'Institut nigérian des affaires internationales. « Yar'Adua est coincé ; à sa place, je ferais exactement la même chose. Soit nous respectons les règles du jeu ou nous ne le faisons pas. Nous avons plaidé notre dossier devant la Cour internationale de justice et nous avons perdu. Nous devons nous en accommoder », poursuit Peter Egom.
« Au sein de la population, il y a beaucoup qui ne sont pas contents parce que cela revient à changer (…) de régime – dans ce sens qu'ils seront peut-être désormais camerounais sans le vouloir », explique le professeur Tundonu Amusus, vice-recteur de l'université de Lagos. Pour M. amosu, « il appartient au gouvernement camerounais de vraiment se sensibiliser aux problèmes de la population essentiellement nigériane. »
C'est en 1994 que le Cameroun a saisi pour la première fois la Cour internationale de justice de la Haye, à une époque où les deux pays étaient à deux doigts de se faire la guerre ; d'où la joie des Camerounais à l'issue de la cérémonie de Calabar. « Cette péninsule, qui fait à peine 2000 km2, est devenue le symbole des rivalités qui pouvaient exister entre le Cameroun et certains de ses voisins à propos des frontières », explique Eric Mathias Owona Nguini, professeur de sciences politiques à l'université de Yaoundé II. Notant la nécessité, pour le Cameroun, de veiller à la sécurité et au développement de Bakassi, M. Nguini souligne également le besoin « de mettre en place un dialogue entre l'Etat du Cameroun et les communautés nigérianes qui sont présentes à Bakassi. »