Le centre-ville est construit sur des kilomètres de tunnels souterrains creusés par des générations de mineurs qui ont extrait l'or des gisements les plus riches jamais découverts au monde.
L'agglomération de six millions d'âmes s'est développée autour de la géographie sculptée par l'activité minière, entre puits caverneux et terrils, qui a façonné à son tour les barrières physiques de la ségrégation raciale sous l'apartheid.
Aujourd'hui, le défi plutôt poétique de guérir les blessures géologiques aussi bien que sociales revient aux promoteurs immobiliers qui transforment un lieu de division pour en faire un centre de transports reliant la ville et sa région.
"C'est un lieu passerelle, un site d'accès", résume Richard Bennett, directeur marketing d'iProp, la société chargée de la réhabilitation du site. "Il permettra à la population de Johannesburg et de ses environs d'accéder facilement à des transports publics et efficaces."
Dans les années 1880, cette mine a été un des premiers endroits où les prospecteurs ont creusé à l'aide de pioches, puis à la dynamite, pour remonter l'or qui n'était qu'à une quarantaine de mètres sous terre.
Après épuisement des découvertes d'or les plus accessibles, l'exploitation minière a eu besoin de machines lourdes pour creuser plus profondément. Cette crevasse, qui ressemble à un canyon au milieu de la ville, a simplement été remplie de sable pour ensuite servir de parking.
Aujourd'hui le sable a été évacué et la fosse va être remplie d'un matériau proche du ciment. Un immeuble de dix étages, appartements et bureaux, y sera construit à côté de la nouvelle gare routière envisagée sur le terrain remblayé.
Inégalités profondes
L'or autrefois extrait ici a alimenté de fabuleuses richesses mais aussi de profondes fractures sociales, qui persistent.
Une étude de la Banque mondiale révélait l'an dernier qu'en Afrique du Sud, les 1% les plus riches possèdent 55% des richesses. Et la richesse de la moitié la plus pauvre du pays est en fait négative - leurs dettes sont supérieures à leurs actifs.
Les 0,01% les plus riches, soit environ 3.500 personnes, possèdent plus que les 90% les plus pauvres, soit 32 millions de personnes.
L'exploitation minière a eu un coût humain lourd, largement méconnu. "Ces premières mines ont été exploitées de façon chaotique et hâtive. Il n'y avait pas de plans, beaucoup de gens sont morts alors qu'ils étaient encore en train de creuser, dans des chutes de pierres et autres", raconte l'écrivain Fred Khumalo.
Son récent roman "The Longest March", pas encore traduit en français, est centré sur les mineurs noirs des débuts de Johannesburg, qui vivaient dans des complexes aux "conditions vraiment épouvantables".
"Les mineurs dormaient sur des blocs de ciment. Il n'y avait pas d'oreillers, de matelas. Les couvertures fournies était ultra fines et les hivers de Johannesburg peuvent être redoutables. Les gens tombaient malades, certains mouraient de froid", raconte-t-il à l'AFP.
Alors que la ville se préparait à une guerre entre colons britanniques et Afrikaners blancs en 1899, les mines ont fermé brusquement et les approvisionnements ont été coupés, provoquant des émeutes.
Dans les décennies qui ont suivi, les mineurs noirs qui avaient construit des maisons dans le coin ont été expulsés de force. Sous l'apartheid, pour accéder à la ville tout court, les noirs étaient tenus de présenter un laissez-passer.