"Je veux qu'elles exercent leur droit démocratique", explique Richard, pour justifier cette reconversion d'un jour en taxi dans la ville de Kisumu, dans l'extrême ouest du pays.
Quelque 19,6 millions de Kényans sont inscrits pour ces élections qui doivent leur permettre d'élire leurs députés, sénateurs, gouverneurs, élus locaux et représentantes des femmes à l'Assemblée.
Le scrutin présidentiel s'annonce très serré entre le sortant Uhuru Kenyatta et l'opposant Raila Odinga. Chaque voix compte. Ce dont sont parfaitement conscients les habitants de Kisumu, un bastion d'Odinga où sa tribu luo est largement majoritaire.
Il ne fait aucun doute que le vétéran, 72 ans, qui tente pour la quatrième fois sa chance à la présidentielle, fera le plein des voix ici. Le président Kenyatta, 55 ans, devrait faire de même dans le centre du pays, sur les terres de son ethnie kikuyu.
Les deux candidats doivent obtenir plus de 50% des voix pour l'emporter dès le premier tour. Pour certains, comme Richard, trouver de nouvelles voix est une quête personnelle.
Les bureaux de vote ont ouvert à 06H00 (03H00 GMT). Mais déjà deux heures auparavant, les klaxons de voitures, le bourdonnement des vuvuzelas et des coups de sifflets stridents avaient retenti dans les rues paisibles de Kisumu, des jeunes gens enthousiastes battant le rappel des électeurs.
'Besoin de changement'
"C'est pour dire aux gens de venir voter", confie George Otieno, tout sourire en sortant un son assourdissant de sa vuvuzela en plastique.
Le jeune homme élancé de 25 ans est parmi les milliers de personnes rassemblées au parc Jomo Kenyatta - du nom du premier chef d'État du Kenya indépendant et père d'Uhuru -, où l'ambiance tient plus de la fête que d'une élection.
Beaucoup ont passé la nuit éveillés, trompant l'ennui avec de l'alcool. Le mot "changement" est proféré de toutes parts, sous forme de simple demande ou de prière.
"On a besoin de changement", assène George, un vendeur de chaussures d'occasion. "Le coût de la vie est très élevé, mais le niveau de vie est très bas. Le gouvernement garde tout l'argent dans sa poche et il n'y a rien pour nous."
Les allégations de corruption sont indissociables de la vie politique kényane, qui depuis des générations est organisée selon des lignes de fracture ethniques, les différentes communautés attendant que leurs leaders leur fassent profiter des largesses de l'État.
John Odundu, 40 ans, qui marche sur une béquille, est venu voter avec sa fille de six ans, Immaculate, vêtue d'une parka rose. "Elle est une très grande supportrice de Raila, elle dit qu'elle vient voter pour lui", plaisante-t-il.
John est un Luo et a voté pour Odinga. Ce qui ne l'empêche pas de se plaindre du "tribalisme" dont ferait preuve le gouvernement Kenyatta, et d'insister sur le fait qu'Odinga a gagné sa voix pour ses projets en faveur des pauvres et non pour des raisons ethniques.
Voter, c'est 'ma passion'
"Si quelqu'un d'autre était venu avec les mêmes politiques (qu'Odinga), même s'il était Kikuyu, on aurait voté pour lui", affirme-t-il.
Ronald Ngala, 42 ans, un agent immobilier portant un t-shirt rouge "Kenya Forever" sous son costume, avait hâte de voter et d'ensuite inciter d'autres à faire de même.
Après avoir mis son bulletin dans l'urne, il a sauté dans sa Toyota pour gagner un hôpital proche, où il prévoyait de prendre des patients pour les emmener vers leurs bureaux de vote. Voter, dit-il, c'est "ma passion".
La détermination de chacun à voter - et gagner - laisse nombre de personnes inquiètes à l'idée que ni Kenyatta, ni Odinga n'acceptent la défaite.
Cette perspective n'est guère rassurante dans un pays où les résultats des élections sont fréquemment contestés, ce qui s'accompagne le plus souvent de violences.
"Quand vous allez à la bataille - comme moi aujourd'hui je vais à la bataille pour Raila - vous êtes sûrs que vous allez gagner", assène Richard. "Il n'est pas question de se demander pourquoi vous pourriez ne pas gagner. Nous sommes sûrs que nous allons gagner."
Fort de cette certitude, il enfourche à nouveau sa moto pour trouver d'autres électeurs perdus.
Avec AFP