En RDC, l’ex président Joseph Kabila ne comparaîtra pas au procès en appel de l'assassinat du défenseur des droits humains Floribert Chebeya. Usant de “son pouvoir discrétionnaire”, le tribunal militaire de Kinshasa-Gombe a rejeté mercredi la demande des ONG et des parties civiles en ce sens
"Nous sommes très déçus par cette position", a confié à l'AFP Rostin Manketa, directeur exécutif de l'ONG “La Voix des sans voix “(VSV), à laquelle appartenait Floribert Chebeya et qui s’est constituée partie civile au procès de l’assassinat de ce dernier.
Cette organisation, figure parmi les 50 entités non gouvernementales qui, avec les parties civiles, réclamaient la comparution de plusieurs personnes citées dans l'affaire par l'un des prévenus. Parmi ces personnes figure l’ex-président et sénateur à vie Joseph Kabila.
Mais le président de la Haute Cour militaire a rejeté leur demande, jugeant inopportun de faire venir au procès ces personnalités. Les plaidoiries débuteront dès le 26 janvier.
Pouvoir discrétionnaire ou immunité?
Selon les médias congolais, le juge a usé de son “pouvoir discrétionnaire”, que lui reconnait l'article 249 du Code judiciaire militaire.
Le pouvoir discrétionnaire permet aux acteurs investis d’une autorité légale de faire des choix , de s'abstenir ou de décider avec une marge plus ou moins grande de liberté, en fonction d'une appréciation d'opportunité. Ce pouvoir n’est pas arbitraire car celui qui l’invoque reste soumis à la loi.
A cela s'ajoute un détail important: la loi congolaise prévoit que les anciens chefs de l’Etat ne peuvent pas être poursuivis pour des faits ayant eu lieu pendant leurs mandats. Ils bénéficient d'une certaine immunité.
Floribert Chebeya, natif de Bukavu et figure de “La Voix des sans voix“ avait été retrouvé mort, assassiné, le 2 juin 2010, à l’âge de 47 ans, alors que Joseph Kabila était président de la RDC.
Le défenseur des droits humains avait disparu la veille à l'issue d'un rendez-vous dans les locaux de la police à Kinshasa. Son chauffeur, Fidèle Bazana, avait aussi disparu et son corps n'a jamais été retrouvé, poussant la justice à conclure que lui aussi avait été assassiné.
Trois policiers, en lien avec ces disparitions, sont actuellement jugés en appel en audiences publiques. Ils ont été condamnés à mort par contumace en première instance.
Dans le cadre de cette affaire, un colonel a déjà été condamné en appel à 15 ans de prison. Un haut gradé et ancien chef de la police, le général John Numbi, est en fuite. Il a fait l'objet d'une enquête du Parquet militaire ayant conclu à son implication dans cette affaire.