Dans la banlieue de Johannesburg, des volontaires ont organisé une grande collecte de bouteilles d'eau pour aider des agriculteurs en détresse. Face à la grave sécheresse qui frappe l'Afrique du Sud, chaque goutte d'eau compte.
A l'heure où les récoltes sont dévastées et où les robinets des villes de province tarissent, les dons de bouteilles ou de bidons en plastique remplis d'eau s'avèrent essentiels.
Guillaume Furri est conseiller pour les affaires agricoles de l'Ambassade de France en Afrique du Sud. Sur VOA Afrique, il explique les conséquences de cette sécheresse. "Plusieurs exploitations agricoles vont être fortement sous tension faute de production et à cause d'une baisse de leurs revenus".
Janine Boshoff, qui vit à Boksburg dans la banlieue industrielle de Johannesburg, a eu un choc en lisant un message posté sur Facebook par un éleveur qui hésitait à abattre son bétail mourant de soif.
"Si un éleveur a pu ressentir ces émotions pour un animal, alors j'espère que les hommes peuvent ressentir la même chose les uns envers les autres", affirme cette femme de 35 ans.
Aussitôt, Janine demande à ses voisins de remplir leurs bouteilles vides. Quelques jours plus tard, l'employeur de sa soeur met à disposition un camion pour acheminer les bouteilles pleines d'eau vers la province de l'Etat Libre (centre), le coeur agricole du pays, gravement touché par la sécheresse.
Sa voisine, Jolanda du Plessis et sa femme de ménage arpentent quant à elles les rues du quartier en distribuant des prospectus. La nuit, les deux familles comptent les bouteilles et les entassent dans chaque mètre carré libre de la maison de Jeanine.
Après quatorze années de voisinage, ces deux femmes se partagent l'organisation de la collecte dans le salon de Jolanda où les téléphones sonnent ou vibrent continuellement au rythme des donations qui s'accélèrent.
Températures records
"Les températures anormalement élevées et les faibles pluies en 2015 sont le résultat de la combinaison du phénomène naturel El Niño et de l'action de l'homme qui provoque le changement climatique", explique Robert Scholes, professeur d'écologie à l'université du Witwatersrand à Johannesburg.
"A ce stade, les deux facteurs contribuent de manière égale à ces hautes températures", estime-t-il.
El Niño est ce courant chaud équatorial du Pacifique, qui réapparaît tous les cinq à sept ans, faisant augmenter les températures et causant à la fois des sécheresses dans certaines zones et de graves inondations dans d'autres.
Cette semaine, l'Agence américaine océanique et atmosphérique (NOAA) devrait annoncer que 2015 a été l'année la plus chaude de l'Histoire dans le monde depuis le début des relevés.
En octobre dernier, alors que l'été austral n'avait pas encore débuté, la bourgade de Vredendal, située à trois heures au nord du Cap, a battu des records: 48,4 degrés ont été enregistrés soit la température la plus élevée au monde en octobre.
Le même jour, 17 villes d'Afrique du Sud battaient leur record de chaleur pour un mois-là, toutes au-dessus de 38 degrés.
Début janvier, Johannesburg et Pretoria enregistraient des températures encore jamais ressenties dans ces villes à plus de 1.400 mètres d'altitude avec 38 et 42,5 degrés.
25% de gaspillage
La semaine dernière, les services météorologiques sud-africains ont annoncé que 2015 était l'année la plus sèche depuis 112 ans. Et les prévisions pour les années à venir annoncent des périodes encore plus arides.
"L'Afrique du Sud a toujours été un pays où l'eau est rare. Nous sommes habitués à gérer les pénuries et nous avons réussi pendant longtemps à répondre à la demande", note Dhesigen Naidoo, directeur de l'agence gouvernementale de l'eau. "Mais nous allons avoir besoin de beaucoup plus d'eau à notre disposition dans le futur", souligne-t-il.
Pour lui, une diversification des sources d'eau est indispensable grâce à de nouveaux réservoirs, des usines de dessalement de l'eau de mer -dont certaines sont en cours de construction- et une utilisation plus efficace des ressources.
"Un quart de l'eau potable est perdue dans notre système chaque jour. Rien qu'en récupérant cette perte on aurait 25% d'eau supplémentaire disponible pour les villes, immédiatement", assure M. Naidoo.
"Nous commençons à faire exactement ce qu'il faut pour essayer de sécuriser notre avenir en eau. Mais lorsque la sécheresse va cesser, est-ce qu'on continuera?", s'interroge-t-il.
A Boksburg, davantage d'habitants viennent apporter leur contribution alors que le camion rempli à ras bord part pour les zones rurales avec des dizaines de milliers de litres d'eau.
La solidarité des citadins ne peut toutefois compenser le manque de précipitations, qui assèche les champs et assombrit l'avenir.
AFP