Avec sa forte croissance et sa démographie galopante, l'Afrique sub-saharienne est un foyer d'investissement incontournable des multinationales qui doivent cependant faire face à la concurrence grandissante des entreprises locales, selon une étude du cabinet de conseil Boston Consulting Group (BCG) publiée mardi.
Dans de nombreux secteurs, au sein des économies les plus développées du continent, le chiffre d'affaires des grands groupes a augmenté entre 2009 et 2013 mais leurs parts de marché ont baissé, révèle l'étude.
Dans le ciment au Kenya, les multinationales sont ainsi passées de 287 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2009 à 397 millions en 2013 mais ont vu dans le même temps leur part de marché diminuer de 55% à 40%.
Autre exemple, sur le marché des jus de fruits au Nigeria, leur chiffre d'affaires est passé de 79 millions de dollars à 111 millions mais elles ont perdu 6 points de parts de marché dans ce secteur (de 21% à 15%).
L'émergence des "lions africains", ces entreprises locales qui peuvent être de grosses PME comme de véritables géants est l'une des principales raisons de cette perte de terrain.
"Ce terme balaye des réalités très diverses mais ces entreprises ont des traits communs comme leur capacité à investir rapidement ou leur agilité en terme d'organisation", indique Patrick Dupoux à l'AFP.
A la différence des multinationales présentes dans le monde entier, ces compagnies sont entièrement dédiées à leurs marchés locaux ou régionaux et ont ainsi moins d'hésitations à lancer de lourds investissements.
Longtemps, ces compagnies africaines ont souffert d'un déficit d'accès aux capitaux. Pas assez grandes pour lutter contre les multinationales, elles ont dû se concentrer en priorité sur leurs marchés nationaux.
"Les compagnies africaines ont d'abord grandi dans leurs marchés nationaux avant de s'étendre à d'autres parties du continent. L'écart de taille avec les multinationales s'est réduit", explique l'étude.
Le sud-africain MTN, leader de la téléphonie mobile sur le continent, a par exemple largement élargi sa base de consommateurs en ciblant particulièrement le Nigeria et sa forte population (173 millions d'habitants), faisant ainsi reculer les opérateurs occidentaux traditionnels.
En Angola, le fabricant local de sodas Refriango a introduit en 2005 une nouvelle boisson "Blue" dont le succès a fait aujourd'hui de la marque le leader incontesté du marché dans le pays lusophone.
Les multinationales face aux 'Lions'
Lorsque le Nigeria a fait de la production locale une condition essentielle pour l'attribution des marchés du ciment, Dangote Cement, basée à Lagos, a construit plusieurs usines capables de porter sa production annuelle à 18,5 millions de tonnes chaque année, trois fois plus que leurs principaux concurrents internationaux.
En sécurisant son marché local, Dangote a grandi et s'est imposé comme un leader qui peut désormais viser d'autres pays africains comme la Zambie ou le Zimbabwe.
Habituées aux difficultés des marchés africains, ancrées dans les territoires grâce à des dirigeants locaux, plus flexibles face aux obstacles posés par le secteur informel, les "lions" d'Afrique ont donc bien des avantages par rapport aux multinationales parfois déroutées par les défis qu'impose encore le continent africain.
"Les multinationales gardent énormément d'avantages: leur capacité d'innovation mondiale qu'elles doivent mettre au service de l'adaptation locale de leurs produits, leur savoir-faire industriel et marketing ou encore leur capacité à développer des plateformes panafricaines ", nuance Lisa Ivers, co-auteur du rapport.
En s'associant à des petits distributeurs locaux, Coca-Cola réussit par exemple à distribuer sa célèbre boisson dans des zones rurales traditionnellement inaccessibles, en Afrique.
"Les multinationales doivent adopter une vraie stratégie africaine et ne peuvent plus se permettre de traiter le continent africain de manière marginale", conclut Patrick Dupoux.
Avec AFP