Six policiers, trois Noirs et trois Blancs, seront jugés tour à tour dans cette cité portuaire de l'est des Etats-Unis où cet homicide, souvent qualifié de raciste, avait déclenché des émeutes, des pillages et de graves actes de vandalisme en avril dernier.
Les autorités avaient déclaré l'état d'urgence, instauré un couvre-feu nocturne et appelé en renfort les militaires de la Garde nationale.
Le président Barack Obama avait condamné les violences, tout en relevant les "questions troublantes" restant en suspens.
Le dossier reste tellement sensible que les avocats des fonctionnaires ont tenté d'obtenir le dépaysement de l'audience pénale. Mais le juge Barry Williams a refusé cette délocalisation, malgré le risque de nouvelles manifestations autour du tribunal.
Premier des six agents à prendre place sur le banc des accusés, William Porter doit répondre d'homicide involontaire, violences, mise en danger de la vie d'autrui et faute professionnelle.
La journée de lundi devait être consacrée à la sélection des jurés appelés à juger ce policier noir.
- Regard fuyant -
"Le niveau de publicité (donné à l'affaire), la couverture médiatique et le ressenti dans la ville après le décès de Freddie Gray vont concourir à faire de la sélection de ce jury un processus long et minutieux", explique à l'AFP Amy Dillard, professeur à l'université de droit de Baltimore.
"L'objectif est de trouver des jurés qui n'ont pas été influencés par les reportages dans la presse, qui n'ont pas d'opinion préconçue sur la culpabilité et qui restent ouverts face aux preuves présentées", précise-t-elle.
Freddie Gray avait à l'origine été contrôlé le 12 avril par la police pour un simple regard jugé fuyant. Il avait été interpellé après que les forces de l'ordre eurent trouvé sur lui un couteau à cran d'arrêt.
Le jeune homme a ensuite été victime d'une grave blessure aux vertèbres cervicales lors de son transport, pieds et mains liés et à plat ventre sur le plancher du fourgon motorisé. Il est décédé une semaine après.
L'arrestation avait été qualifiée "d'homicide" par la procureure de l'Etat du Maryland, mais les six policiers (dont une femme) plaident eux non coupables.
Le juge Williams a interdit aux parties du procès de communiquer sur leur stratégie d'accusation ou de défense, mais les avocats des agents devraient insister sur la thèse d'un décès accidentel, possiblement causé par un coup de frein brutal du véhicule.
- Fossé entre Noirs et Blancs
Les débats s'étaleront sur plusieurs mois, au fur et à mesure que les policiers comparaîtront séparément, et la tension culminera à l'énoncé du premier verdict, susceptible d'enflammer à nouveau Baltimore.
Les autorités de la ville portuaire ont de leur côté débloqué 6,4 millions de dollars pour la famille de Freddie Gray, un montant compensatoire négocié indépendamment de la justice pénale.
A plusieurs égards, l'affaire Freddie Gray est devenue emblématique, que ce soit en illustrant le fossé entre les communautés ou les abus de la police de Baltimore, accusée d'être coupée d'une partie de la population noire considérée seulement sous l'angle répressif.
Cette ville, l'une des plus violentes des Etats-Unis au début des années 1990, avait connu un certain apaisement tout en conservant plusieurs quartiers très pauvres.
La mort de Freddie Gray a été suivie d'une envolée inquiétante des homicides, qui ont dépassé le nombre de 300 en 2015, un record depuis 1999.
Le premier procès de l'affaire Freddie Gray s'ouvre moins d'une semaine après que les autorités de Chicago ont rendu publique une vidéo très choquante montrant un policier blanc abattant de 16 balles un adolescent noir. L'agent a été inculpé pour meurtre avec préméditation.
Avec AFP