Les combats entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, ont fait près d'un millier de morts et environ un million de déplacés et de réfugiés.
Dans la nuit, les deux rivaux ont haussé le ton: le chef de l'armée a entamé une purge au sein des forces de sécurité, de la Banque centrale et des ministères. Et, surtout, il a annoncé le gel de tous les comptes bancaires des FSR, connues pour leur empire commercial basé sur les mines d'or.
"Pris au piège"
En réponse, le général Daglo a promis dans un enregistrement sonore à son adversaire qu'il serait "jugé rapidement et pendu sur une place publique".
A Khartoum, raids aériens et tirs à l'artillerie lourde n'ont pas cessé depuis un mois. Ses cinq millions d'habitants sont quasiment privés d'eau et d'électricité, et au Darfour, dans l'ouest, les familles sont terrées terrés chez elles, incapables de sortir acheter à manger par peur des balles perdues.
Dans cette région où les armes sont légion depuis la guerre qui a fait environ 300.000 morts dans les années 2000, militaires, paramilitaires, combattants tribaux et civils armés s'affrontent partout.
Dans la seule ville d'El-Geneina, 280 personnes sont mortes vendredi et samedi, rapporte le syndicat des médecins.
"Des maisons voisines ont été entièrement détruites dans les bombardements", rapporte à l'AFP un habitant. Dimanche, "ma maison a été touchée et ma soeur blessée".
"On nous rapporte que des snipers tirent sur quiconque sort de chez lui", dit à l'AFP Mohamed Osman, de Human Rights Watch (HRW). Pris au piège, "des gens blessés dans des combats il y a deux semaines meurent chez eux".
Médecins sans frontières (MSF) souligne que dans les camps de déplacés, "les gens sont passés de trois repas par jour à un seul".
Tension en hausse
A Jeddah, en Arabie saoudite, les belligérants négocient une trêve "humanitaire" pour laisser sortir les civils et faire entrer l'aide. Mais ils se sont uniquement entendus sur le principe du respect des règles de la guerre, renvoyant la question de l'arrêt des hostilités à d'ultérieures "discussions élargies" .
Mais "à peine l'accord de Jeddah signé, le chaos a éclaté à El-Geneina", rappelle William Carter, du Norwegian refugee council.
"Rien n'a changé depuis le début du conflit, si ce n'est que les gens sont de plus en plus tendus chaque jour", confie à l'AFP un habitant de Khartoum.
"La violence des deux camps augmente de jour en jour", estime un autre.
Pour le chercheur Aly Verjee, "si les deux camps ne changent pas leur façon de penser, difficile d'imaginer une traduction sur le terrain des engagements sur le papier".
Un tiers des 45 millions d'habitants dépendait de l'aide alimentaire internationale avant la guerre. Ils en sont désormais privés: elle a été pillée ou interrompue à la suite de la mort de 18 humanitaires.
L'ONU a néanmoins annoncé lundi ses "toutes premières distributions de nourriture" dans l'Etat d'Al-Jazira, où se trouve une bonne part du demi-million de déplacés de Khartoum.
L'argent manque parce que les banques, pillées pour certaines, sont fermées depuis un mois, ou parce que les prix ont flambé: multipliés par quatre pour la nourriture ou par 20 pour l'essence.
Selon experts et diplomates, chacun des deux généraux pense pouvoir l'emporter militairement, grâce à des effectifs importants et des soutiens étrangers. Le général Daglo est allié des Emirats arabes unis et, selon le Trésor américain, des mercenaires russes de Wagner, tandis que l'Egypte soutient l'armée.
Administration délocalisée
Les deux hommes paraissent donc plus intéressés par un long conflit que par des concessions à la table des négociations.
Des milliers de réfugiés entrent chaque jour en Egypte, au Tchad, en Ethiopie ou au Soudan du Sud. L'Egypte, qui traverse la pire crise économique de son histoire, s'inquiète. Les autres pays voisins redoutent une contagion.
A Khartoum, l'aéroport est détruit, les centres commerciaux pillés et les administrations fermées "jusqu'à nouvel ordre".
Ce qu'il reste du service public s'est replié à Port-Soudan, à 850 kilomètres à l'est de Khartoum, épargnée par les violences et où une équipe réduite de l'ONU tente de négocier l'acheminement de l'aide humanitaire.