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Assassinat du journaliste Martinez Zogo: des Camerounais entre espoir et craintes


Au Elise Bar de son quartier populaire d'Essos à Yaoundé, comme sur les réseaux sociaux, le nom du journaliste camerounais Martinez Zogo, supplicié avant d'être assassiné il y a trois semaines.
Au Elise Bar de son quartier populaire d'Essos à Yaoundé, comme sur les réseaux sociaux, le nom du journaliste camerounais Martinez Zogo, supplicié avant d'être assassiné il y a trois semaines.

Au Elise Bar de son quartier populaire d'Essos à Yaoundé, comme sur les réseaux sociaux, le nom du journaliste camerounais Martinez Zogo, supplicié avant d'être assassiné il y a trois semaines, est sur toutes les lèvres.

L'arrestation lundi d'un homme d'affaires tout-puissant, Jean-Pierre Amougou Belinga, réputé intouchable jusqu'alors parce que lié à des figures très proches du chef de l'Etat ne délie pas complètement les langues, en dehors de l'opposition, des intellectuels et des défenseurs des droits humains: on scrute attentivement le sort du richissime et sulfureux businessman, "suspecté" selon les autorités d'être impliqué dans le meurtre.

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Dans la rue, on n'ose encore à peine prononcer son nom, pour ne pas insulter l'avenir si cet homme redouté sortait de garde à vue disculpé. "Ils nous ont tué le frère", s'émeut à voix haute un client du Elise Bar d'Essos, quartier populaire de Yaoundé. Mais il baisse la voix quand on l'interroge sur Amougou Belinga.

A Essos, tout le monde connaît "Martinez", qui y a grandi. On s'y remémore le jeune footballeur talentueux qui voulut faire carrière avant de se tourner vers le journalisme, après s'être essayé à la musique à la tête d'un groupe, Star System.

Au bar dont il était un habitué, on ne tarit pas d'éloges sur cet homme "généreux" et "humble". Si chacun commente, dans les apartés, les "révélations" qui fuitent, et espère "des sanctions" au sommet, on se méfie quand même du statut des personnes présumées incriminées.

Corruption endémique

"Nous gardons l'espoir, on sait que les choses vont se savoir", lâche timidement Joseph Riwi, un agent immobilier de 55 ans, ami d'enfance de Martinez Zogo. "Peut-être que la vérité est en train de sortir. Au quartier, les gens sont un peu contents car il y a déjà quelques noms qui sortent, on espère qu'on saura vraiment qui a fait ça à notre frère", renchérit Emmanuel Ekanga, "homme d'affaires".

Kidnappé le 17 janvier à Yaoundé, retrouvé mort cinq jours plus tard, atrocement meurtri et mutilé, Arsène Salomon Mbani Zogo, dit "Martinez", 50 ans, dénonçait inlassablement, au micro de l'émission Embouteillage de sa radio Amplitude FM, l'affairisme et la corruption, endémiques dans ce grand pays d'Afrique centrale. Avec M. Amougou Belinga et quelques ministres proches de lui pour symboles et cibles privilégiées.

Le hashtag JusticeForZogo fait florès sur Twitter et nombre de Camerounais ont l'oeil vissé dès l'aube sur leurs smartphones à l'affut des dernières fuites de l'enquête "ordonnée" par le chef de l'Etat, Paul Biya, qui dirige d'une main de fer le Cameroun depuis plus de 40 ans.

L'espoir est mesuré aussi au siège d'Amplitude FM, où l'autel arborant une grande photo de son patron Martinez Zogo, l'index sur la bouche, est tapissé encore quotidiennement de fleurs et bougies. "La justice est en train de faire son travail, nous avons sauté de joie quand nous avons appris les premières arrestations", lâche prudemment à l'AFP Charly Tchouemou, le rédacteur en chef, sans citer personne.

Même méfiance au quartier Fougerolles, où trône la maison de Martinez Zogo, un joli duplex vert et rose. Ses abords sont désertés et n'accèdent aux chaises disposées dans la petite cour que les intimes venus se recueillir.

Meurtres non élucidés

Le fils du défunt remet un morceau de papier portant le numéro de l'avocat de la famille qui explique que, "pour des raisons de sécurité", il a demandé aux proches de ne pas s'exprimer publiquement. C'est uniquement sur les réseaux sociaux que des "révélations" très détaillées de l'enquête ont circulé. Pour l'heure, l'Etat s'est borné à annoncer "plusieurs arrestations".

Dans un pays où les emprisonnements souvent sans procès pendant de longues années, les disparitions ou les meurtres non élucidés de journalistes ou opposants défraient parfois la chronique, les autorités ne communiquent quasiment jamais.

Mais depuis une semaine, de présumés procès-verbaux des auditions d'officiers supérieurs du renseignement placés en garde à vue par les gendarmes, dont l'un y reconnaîtrait avoir participé au meurtre, ont largement fuité sur la Toile, jamais démentis par les autorités.

Guerre de succession

Reporter sans Frontières (RSF), qui assure les avoir consultés, parle de "tortures" suivies d'une mise à mort "autorisée" à haut niveau. Outre des hauts responsables du renseignement, l'organisation internationale met en cause nommément M. Amougou Belinga et un ministre parmi "les plus puissants du régime". Ainsi que "d'autres personnalités importantes, dont plusieurs ministres proches" de l'homme d'affaires.

L'opposition, d'influents intellectuels et RSF dénoncent un "crime d'Etat", conséquence selon eux d'une guerre souterraine, pour sa succession, entre deux "clans" rivaux de très hauts responsables proches du président Paul Biya, qui fêtera ses 90 ans dans cinq jours.

Lundi, son rival malheureux à la présidentielle de 2016, Maurice Kamto, libéré sur pressions internationales après neuf mois de prison sans procès en 2019, a mis en garde M. Biya contre des "clans de type mafieux", dont le chef de l'Etat pourrait lui-même "être l'une des cibles".

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