Vendredi dernier, face à la persistance des manifestations antigouvernementales déclenchées le 19 décembre, Omar el-Béchir a décrété l'état d'urgence dans tout le pays pour un an, afin de contenir la contestation.
Lundi, après une nouvelle journée de protestations, M. Béchir a durci le ton en interdisant tout rassemblement non approuvé et en autorisant les forces de sécurité à mener des raids et des fouilles corporelles.
Malgré cela, des centaines de manifestants ont de nouveau défié jeudi ces mesures et scandé "liberté, paix, justice" dans plusieurs quartiers de Khartoum et la ville voisine d'Omdourman, ont indiqué des témoins.
Les rassemblements dans certains secteurs d'Omdourman et dans le quartier de Shambat et la rue 60 à Khartoum étaient parmi les plus importants organisés depuis décembre, d'après les mêmes sources.
La police a tiré des gaz lacrymogènes sur les protestataires, a-t-on ajouté.
"Nous sommes sortis aujourd'hui parce que nous n'avons aucune alternative", a assuré Siddiq, qui n'a indiqué que son prénom par mesure de sécurité.
"La seule alternative que nous avons est de renverser ce régime. Nous continuerons malgré l'état d'urgence", a-t-il clamé.
Plusieurs manifestants ont été arrêtés et emmenés, selon des avocats, vers des "tribunaux d'exception" établis mardi pour enquêter sur les violations de l'état d'urgence, passibles de dix ans de prison.
Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le début des manifestations. Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts.
Le puissant Service national du renseignement et de la sécurité (NISS) mène la répression et a arrêté depuis décembre des centaines de manifestants, leaders de l'opposition, militants et journalistes, d'après des ONG.
La famille du rédacteur en chef du journal indépendant Al-Tayar, Osmane Mirghani, détenu par le NISS depuis le 22 février, a de son côté indiqué jeudi ne pas avoir eu le droit de lui rendre visite et ne pas connaître le lieu de sa détention.
M. Mirghani avait été arrêté après avoir déclaré à la télévision que les mesures annoncées par le président ne parviendraient pas à stopper le mouvement réclamant son départ.
Face au plus sérieux défi depuis son arrivée au pouvoir par un coup d'Etat en 1989, M. Béchir a limogé vendredi dernier le gouvernement aux niveaux fédéral et provincial et nommé à la tête des 18 régions du pays 16 officiers de l'armée et deux responsables de la sécurité.
Mardi, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la Norvège ont déploré le "retour à un régime militaire", des accusations rejetées par Khartoum.