Deux jours après sa démission, un nouveau gouvernement de 41 membres dirigé par le Premier ministre sortant et reconduit, Emmanuel Issoze Ngondet, a été présenté tard vendredi soir par le secrétaire général de la présidence, Jean-Yves Teale.
La tâche essentielle de la nouvelle équipe qui ne sera responsable que devant le président Ali Bongo, sera d'organiser des élections législatives, deux fois annoncées et reportées depuis 2016.
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Par rapport au précédent gouvernement, les principaux ministres restent à leur poste ou bien changent d'affectation.
C'est en particulier le cas de l'influent Alain-Claude Bilie By Nzé, ex-ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, qui devient ministre des Sports, de la Culture et du Tourisme. Il est remplacé à son poste par l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur, Guy Bertrand Mapangou.
La nouveauté principale de la nouvelle équipe est la nomination de trois nouveaux opposants qui y sont désormais sept. Parmi eux, Jean de Dieu Moukagni Iwangou, nommé ministre d'Etat chargé de l'Enseignement supérieur. Selon son parti, M. Iwangou aurait toutefois refusé le poste.
Soutien de Ping
Dirigeant du parti Union et Solidarité, il avait soutenu le chef de l'opposition Jean Ping à la dernière présidentielle de 2016, remportée de justesse par le sortant Ali Bongo, une victoire que conteste toujours M. Ping.
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La nomination de ce nouveau gouvernement a été l'aboutissement d'une semaine riche en rebondissements ayant débutée mardi par l'annonce surprise par la Cour constitutionnelle de la fin du mandat de l'Assemblée nationale. La Cour exigeait en parallèle la démission du gouvernement de M. Issoze Ngondet.
Raison invoquée par la Cour, l'incapacité du gouvernement et de sa majorité à l'Assemblée nationale d'organiser dans les temps, avant fin avril, les élections législatives.
"Les conditions n'étaient pas remplies", selon un porte-parole de la présidence, qui cite en particulier la révision des listes électorale et la mise en place d'un Conseil gabonais des élections (CGE) devant remplacer la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap).
Une de ces conditions a depuis été remplie, les membres de la CGE, composée de représentants de la majorité et de l'opposition, ayant prêté serment mercredi devant la Cour constitutionnelle.
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La Cenap avait validé en 2016 la réélection du président Ali Bongo, ce qui avait donné lieu à des violences meurtrières.
Les manifestations des partisans de Jean Ping, descendus dans les rues de Libreville pour contester les résultats, avaient été sévèrement réprimées par les forces de l'ordre et de sécurité.
'Micmac'
Pour l'opposition, les raisons invoquées par le pouvoir et la Cour constitutionnelle ne sont que des "arguties" destinées à reporter une fois encore les législatives.
Elle dénonce en outre la "connivence" entre le président Bongo et la présidente de la Cour constitutionnelle, Marie-Madeleine Mborantsuo, en poste depuis 20 ans.
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Avec l'aval du gouvernement et de la présidence, "la Cour constitutionnelle est à la manœuvre depuis 2016", affirme Jean Gaspard Ntoutoume Ayi, l'un des responsables du principal parti d'opposition du Gabon, l'Union nationale.
Selon lui, "depuis la présidentielle de 2016, le pouvoir se refuse à organiser les élections, car il est sûr de ne pas pouvoir les gagner, il est dans l'impasse".
Et en exigeant la dissolution de l'Assemblée nationale et la démission du gouvernement, la Cour "a mis la constitution de côté et s'est donnée un pouvoir qu'elle n'a pas", ces prérogatives revenant au chef de l'Etat.
"C'est grave et très mauvais pour le pays car cela crée une réelle instabilité", affirme M. Ayi qui ajoute: "C'est le type de situation qui peut mener à un coup d'Etat".
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La plupart des Gabonais, plus occupés à trouver du travail et à gagner correctement leur vie, n'auront sans doute pas très bien compris ce qui vient de se tramer dans les sphères dirigeantes.
"Quel micmac!", soupire William, un jeune de 27 ans qui vient de terminer un master en bancassurance et qui, en attendant de trouver un vrai travail, vit de petits boulots: "Nous ce qu'on veut c'est que l'économie reparte pour pouvoir travailler".
Avec AFP