Les investigations sur l'attaque meurtrière du 20 novembre contre l'hôtel Radisson Blu de Bamako, revendiquée par des jihadistes, sont ralenties par des divergences de procédures des enquêteurs, composés de Maliens et d'étrangers, ont dit samedi à l'AFP des sources proches du dossier.
Ces recherches sont menées avec l'aide d'experts de l'ONU, de spécialistes français en criminologie. Des Canadiens et Belges participent également à l'enquête dirigée par le procureur du pôle spécialisé de lutte contre le terrorisme à Bamako, Boubacar Sidiki Samaké, d'après des sources officielles et de sécurité maliennes.
Selon un enquêteur malien, tous sont dans l'attente de résultats d'analyses en cours aux Etats-Unis, concernant notamment les armes utilisées par les assaillants et leur ADN.
"L'enquête est au point mort"
"Des pistes existent, mais à l'heure actuelle, l'enquête est au point mort", a affirmé une source de sécurité malienne.
Les experts étrangers ne travaillent pas "de la même manière" que les Maliens, pour relancer les investigations "il faut changer de méthodologie de travail", a-t-elle dit, refusant de fournir des détails.
Des divergences confirmées, sans plus de détails, par une source de sécurité à la Mission de l'ONU au Mali (Minusma) : "Les approches ne sont pas les mêmes au sein de la commission d'enquête."
Une source étrangère proche du dossier a fait état d'"une divergence" sur l'observation de possibles suspects de l'attentat actuellement en liberté.
Le 20 novembre, le Radisson Blu a été attaqué par des hommes armés - officiellement au nombre de deux - qui y ont retenu pendant plusieurs heures environ 150 clients et employés. Les forces maliennes, appuyées par des forces spéciales françaises et américaines et des agents de l'ONU, sont intervenues et ont "exfiltré" 133 personnes, selon le ministère malien de la Sécurité intérieure.
Bilan : 20 morts dont 14 étrangers, en plus des deux assaillants. L'attentat a été revendiqué par deux groupes jihadistes: le 20 novembre par Al-Mourabitoune de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, et le 22 novembre par le Front de libération du Macina (FLM, mouvement jihadiste malien).
Deux hommes en détention, deux suspects recherchés
Le 26 novembre, les forces maliennes ont arrêté à Bamako deux hommes soupçonnés d'être liés à l'attentat. Le lendemain, leurs portraits et identités ont été diffusés. Depuis, ils demeurent en détention et aucune nouvelle arrestation n'a officiellement été effectuée en lien avec l'enquête.
D'après des sources proches du dossier, deux autres suspects étaient "activement" recherchés.
Les deux hommes appréhendés le 26 novembre "ne sont pas de gros poissons. Je dirais même que pour le moment, leur implication dans l'attaque est très, très loin d'être prouvée", a dit un autre de ses collègues.
Dans un entretien à l'hebdomadaire "Jeune Afrique" à paraître dimanche qui l'a interrogé sur des "failles sécuritaires" ayant facilité les choses aux assaillants du Radisson Blu, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta n'a pas exclu cette possibilité.
"Concernant le modus operandi du commando, c'est possible, l'enquête le dira", a affirmé Keïta, saluant l'intervention des forces spéciales maliennes, qui "même si elles ont été aidées par des Français et des Américains, (...) ont fait l'essentiel du travail, avec professionnalisme".
Il a précisé que son pays a déjoué d'autres attaques depuis le premier attentat contre des Occidentaux à Bamako le 7 mars, ayant visé le bar-restaurant La Terrasse, également revendiqué par des jihadistes.
"Je reçois chaque soir un rapport de nos services de renseignements et je peux vous dire que depuis la fusillade (...) en mars dernier, pour un attentat commis, nous en déjouons dix - ce qui a d'ailleurs permis à certains pays voisins d'échapper à un sort funeste. Je n'en dirai pas plus", a-t-il ajouté.
Le Mali compte sept pays limitrophes. Quatre partagent des frontières avec son vaste Nord qui a été contrôlé pendant près de dix mois entre 2012 et début 2013 par des groupes liés à Al-Qaïda, à la suite d'une rébellion à dominante touareg, avant d'être dispersés à partir de janvier 2013 par une intervention militaire internationale qui se poursuit.
Avec AFP