Après deux jours pendant lesquels Libreville avait un aspect de ville morte, avec des habitants cloîtrés chez eux, la capitale a retrouvé lundi une activité à peu près normale, même si certains commerces restaient fermés. Aucun dispositif particulier des forces de sécurité n'était visible dans la ville.
Mais chacun retenait son souffle avant la journée fatidique de mardi, où les résultats officiels de la présidentielle à un tour de samedi doivent annoncés par le ministre l'Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya, à partir de 17H00 (16H00 GMT).
"C'est demain (mardi) que ça commence", assure Anatole, venu dans une supérette faire quelques emplettes - sac de riz, sardines en boîte - "au cas où".
Comme nombre de ses compatriotes, il craint que des troubles n'éclatent dès l'annonce des résultats, comme ce fut le cas lors de la précédente présidentielle, en 2009, après la mort d'Omar Bongo qui avait dirigé pendant 41 ans ce petit pays pétrolier d'Afrique centrale de 1,8 million d'habitants.
La victoire de son fils Ali Bongo avait été contestée par l'opposition, entraînant une flambée de violences meurtrières, notamment à Port-Gentil, la capitale économique du pays où le consulat de France - ancienne puissance coloniale - avait été incendié.
Dimanche, l'ambassade de France a recommandé aux Français établis au Gabon "d'éviter de se déplacer, sauf nécessité avérée, et de se tenir informés de la situation".
Dans un contexte économique et social tendu, lié à la baisse des ressources financières consécutives à la chute des cours du pétrole, beaucoup redoutent un scénario similaire à 2009 dans les prochains jours.
Le feu aux poudres
"Les déclarations triomphales des deux camps, faites après l'élection, pourraient ouvrir la voie à une période d'incertitude, voire mettre le feu si les acteurs politiques et les Gabonais n'y prennent garde", relevait lundi l'éditorialiste du journal Le Matin Equatorial.
"Présidentielle 2016: Peur sur Libreville", titrait de son côté le site en ligne GabonReview.
Dans un communiqué rendu public par le Bureau régional des Nations unies pour l'Afrique centrale, basé à Libreville, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon "appelle tous les acteurs politiques à respecter la loi électorale et à s'abstenir de tout commentaire sur l'issue supposée de l'élection".
"Le secrétaire général demande à tous les Gabonais d'accepter le résultat des urnes et de régler tout grief par les moyens légaux et constitutionnels existants. Il appelle tous les acteurs concernés à ne pas inciter ou prendre part à des actes de violence", insiste le communiqué.
Les observateurs de l'Union européenne (UE) qui ont supervisé le scrutin devaient tenir une conférence de presse à la mi-journée.
Dimanche, M. Ping, 73 ans, métis sino-gabonais plusieurs fois ministre d'Omar Bongo et ancien président de la Commission de l'Union africaine (UA), s'est dit "élu".
"Je suis l'élu. J'attends que le président sortant m'appelle pour me féliciter", a-t-il lancé à Libreville devant la presse et des milliers de partisans euphoriques.
Le ministre de l'Intérieur a dénoncé "une tentative de manipulation du processus démocratique", rappelant que seuls valaient les résultats officiels annoncés mardi.
Face à l'empressement de M. Ping, le président sortant a joué la carte de la sérénité et de la légalité: "Nous sommes légalistes et nous sommes républicains donc nous attendons sereinement que la Cénap (commission électorale) annonce les résultats de l'élection", a déclaré Ali Bongo devant des supporteurs.
Son porte-parole, Alain-Claude Bilie-By-Nze, a toutefois réaffirmé que M. Bongo était "en tête avec une avance qui ne peut plus être inversée".
Avec AFP