"Dix corps ont été emmenés dans un camion de police", a déclaré à l'AFP Kabiru Mudassir, témoin de la scène, alors que d'autres témoins ont dénombré quinze morts.
"La police est arrivée et a commencé à tirer des gaz lacrymogènes sur la procession des chiites pour les disperser", a raconté Ilyasu Ammani, vendeur de fruits et légumes présent sur les lieux. "J'ai vu 15 cadavres sur le sol, avant que la police ne les évacue."
"Ils (les pélerins) ont blessé l'un de nos officiers, et nos hommes ont ouvert le feu car ils étaient en train de devenir violents", a rapporté un officier de police à l'AFP sous couvert d'anonymat.
Les affrontements ont éclaté alors que des membres du Mouvement Islamique du Nigeria (IMN), groupe chiite partisan de l'instauration d'un régime à l'iranienne dans l'Etat de Kaduna (nord), marchaient pour le traditionnel "Arba'een Trek", pelerinage chiite, qui se déroule 40 jours après la fête de l'Achoura.
Au cours d'une marche étalée sur plusieurs jours, les pélerins devaient se rendre depuis Kano à Kaduna, autre grande ville du Nord, où l'IMN a été interdit par les autorités. L'IMN ne reconnaît pas l'autorité d'Abuja.
Le nord du Nigeria, où la Charia (loi islamique) est en vigueur, est à immense majorité sunnite et les tensions entre les deux communautés ont déjà fait au moins 10 morts lors de la grande fête de l'Achoura, début octobre.
L'hostilité envers les chiites est récemment montée d'un cran dans le nord, notamment à Kaduna, convertie au salafisme, où les imams radicaux n'hésitent plus à faire des prêches haineux contre cette minorité, selon des habitants.
Amnesty International a accusé l'armée d'avoir massacré plus de 350 musulmans chiites entre le 12 et le 14 décembre 2015 à Zaria (Etat de Kaduna) et d'avoir enterré les cadavres dans une fosse commune.
Le gouvernement de Kaduna a diligenté une enquête indépendante, concluant en août que 347 chiites avaient été abattus. Mais personne dans l'armée n'a à ce jour été jugé ou condamné pour ce massacre.
Le chef de l'IMN, Ibrahim Zakzaky, incarcéré plusieurs fois par le passé, est une nouvelle fois en détention. Blessé après les heurts avec l'armée, il est partiellement paralysé et a perdu un oeil.
La moitié de la population du Nigeria est musulmane, quasi entièrement sunnite, avec une petite minorité de chiites, selon les chiffres officiels.
Avec AFP