Des nuages porteurs d'orage s'accumulent enfin au-dessus du parc national de Hwange, mais il est trop tard pour plus d'une centaine d'éléphants qui ont succombé à une sécheresse prolongée en ce début d'été austral. Simba Marozva et d'autres gardes de la réserve zimbabwéenne n'ont plus qu'à couper les défenses des cadavres en décomposition pour éviter que des braconniers ne les trouvent.
Le parc de 14.600 km2 abrite plus de 45.000 éléphants de savane, si nombreux qu'ils sont considérés comme une menace pour l'environnement. La scène est un crève-cœur : des cadavres noircis marquent un paysage où les pluies ont pris plus de six semaines de retard et où les températures atteignent régulièrement 40 degrés.
Certains sont tombés dans des trous d'eau asséchés, d'autres ont passé leurs dernières heures à l'ombre d'un arbre. Beaucoup sont des éléphanteaux : il ne reste que leur peau ratatinée sur l'ossature, dégageant une odeur tenace. La défense intacte est le signe d'une mort naturelle. Ces dernières semaines, Simba Marozva et ses collègues patrouillent quotidiennement à la recherche des cadavres.
En moyenne, un éléphant boit plus de 200 litres d'eau et mange 140 kilos de nourriture par jour. Plus de 200 pachydermes étaient morts de la sécheresse en 2019. Les rangers jugent la situation actuelle encore plus critique.
La quête d'eau fait prendre des risques aux éléphants, qui s'approchent dangereusement de zones habitées à la périphérie du parc. Assoiffées, ils puisent dans les piscines de maisons ou d'hôtels, ou s'abreuvent à des points d'eau contaminés par des cadavres d'animaux.
Treks assoiffés
Le parc de Hwange s'inscrit dans un vaste espace transfrontalier de conservation, englobant le delta de l'Okavango et le majestueux fleuve Zambèze. Un recensement aérien en 2022 estimait à plus de 225.000 le nombre d'éléphants dans cette zone.
Alors que des dizaines de milliers ont été abattus dans toute l'Afrique par des braconniers et chasseurs depuis les années 1970, cette zone de conservation est considérée comme une réussite, avec un nombre d'éléphants en progression. Presque trop, la pression sur les ressources du parc devenant intenable. Et le changement climatique, risque supplémentaire, a fait son apparition.
Selon les défenseurs de l'environnement, les parcs naturels zimbabwéens comptent deux fois plus d'éléphants que ne le permet leur capacité. Pour Tinashe Farawo, porte-parole des parcs zimbabwéens, la mort d'éléphants à Hwange est devenue un "gros problème" mais n'a rien de surprenant vu l'importance de cette population.
"On s'y attend parce qu'il fait chaud et qu'il a pour l'instant très peu plu", dit-il à l'AFP. "Ils subissent ce stress et meurent". Entre septembre et fin novembre, "nous avons perdu 112 éléphants", précise-t-il, surtout "les vieux, les jeunes et les malades".
"Ils meurent à 50 ou 60 mètres d'une source d'eau, parce qu'ils ne peuvent pas supporter la distance qu'ils parcourent pour trouver à boire et à manger", ajoute-t-il, soulagé des "quelques pluies" tombées ces derniers jours. Le réchauffement, qui fait grimper les températures et augmente la menace de sécheresses plus longues, touche bien sûr les autres animaux. Mais "on fait plus attention aux éléphants, vu la taille de leurs carcasses", relève le porte-parole.
Le parc de Hwange, recouvert d'herbes sèches, d'arbres sans feuilles et de zones ouvertes semi-désertiques, dispose de 104 forages d'eau alimentés par l'énergie solaire pour atteindre des nappes phréatiques dont le niveau d'eau baisse régulièrement.
Cette année, la sécheresse a été aggravée par le phénomène El Nino. Les points d'eau asséchés obligent les éléphants et d'autres animaux sauvages à parcourir de longues distances pour boire. Certains ont traversé le Botswana et d'autres pays voisins, où de nombreux décès ont été signalés.
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