Ici, pas de cours ni de professeur à proprement parler, pas de frais de scolarité non plus. "Ce n'est pas un conservatoire", assure-t-il à l'AFP entre deux répétitions dans le centre qu'il a baptisé "Pakare Paye", du nom d'un de ses plus grands tubes.
"Dans une école, on vous dit +vous ne savez pas, nous vous apprendrons+. Ici on dit +tu connais ça, viens donc nous l'enseigner+. Ici, on ne parle pas de formation, on parle de talent", explique la vedette zimbabwéenne, soucieuse de transmettre les ficelles de son métier.
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Ce guitariste de 65 ans, autodidacte et auteur d'une soixantaine d'albums depuis 1973, figure dans le top 10 des musiciens les plus "profitables" du moment réalisé par le magazine américain Forbes en 2017.
Le chanteur à la voix rauque raconte avoir eu l'idée de ce lieu, unique au Zimbabwe, en réalisant que les jeunes artistes de ce début de XXIe siècle étaient confrontés aux mêmes défis que ceux qu'il a lui-même dû relever dans les années 70.
A commencer par la suspicion des parents lorsque leurs enfants leur annoncent avoir choisi la voie artistique.
Longtemps, Tuku a vu défiler à son domicile des cohortes d'artistes en herbe venus partager leurs créations, lui faire écouter leurs mélodies ou lui montrer des pas de danse.
"Alors je me suis dit +je vais chercher un endroit où je peux les recevoir+", explique l'artiste, "chez eux, ils ne sont pas appréciés à leur juste valeur, ils cherchent un endroit où ils peuvent l'être et c'est exactement ce que je propose".
'Père spirituel'
En 2004 naît ainsi "Pakare Paye", qui signifie "Toujours la même chanson" en shona, langue principale du Zimbabwe. Ce centre d'arts dédié à la musique, au théâtre et à la danse est installé à Norton, à 50 km à l'ouest d'Harare, sur le terrain d'une ancienne friche industrielle.
Ici, les jeunes artistes disposent d'un studio d'enregistrement, de plusieurs scènes et de chalets où ils peuvent être hébergés.
"A Pakare Paye, je n'offre pas une éducation, mais de la reconnaissance", dit encore Tuku, baptisé "papa" par ses élèves.
Ceux-ci peuvent y tester divers instruments et soumettre leur pratique à Tuku, qui les écoute, les conseille, les encourage. Une demi-douzaine de groupes se sont ainsi formés à Pakare Paye.
"Tuku n'est pas seulement un artiste, c'est mon père spirituel", raconte le très reconnaissant Bright Shuma, 31 ans, qui a abandonné son travail à la mine pour se lancer dans la musique.
Sa reconversion ne fut pas une mince affaire. Il a vécu dans la rue pendant un an avant de pousser les portes du centre de Tuku. Sa persévérance a payé. Il vit désormais de sa passion avec son groupe Ngoma Ye Hitondo.
Rodwell Roda, 33 ans, a lui rejoint "Pakare Paye" lorsqu'il n'en avait que 14. "Mes parents ne voulaient pas que je joue de la guitare quand j'étais censé faire mes devoirs, alors je venais ici pour m'entraîner", dit-il. Il accompagne désormais son idole sur scène.
Humilité
Fiona Gwena, elle, fait partie des choeurs. "C'est un endroit où on peut pratiquer librement", explique la jeune femme de 26 ans.
Quand elle a découvert le centre en 2012, Tuku lui a dit: "+tu as une très belle voix, mais on peut encore l'améliorer+", se rappelle la choriste aux longs cheveux lissés. Sa vie a alors basculé.
Elle figure aujourd'hui dans le dernier album de Tuku, "Hanya'Ga", le 67e album de l'artiste sorti en février.
Malgré son parcours et les louanges que lui tressent ses élèves, Tuku respire l'humilité. "Je ne comprends pas ce que veut dire le mot célébrité".
Il raconte volontiers que sa mère se moque toujours de lui en affirmant que jamais "il ne fera mieux que le cri qu'il a lâché à la naissance".
"Ce qui veut dire, qu'à peine né, je chantais déjà", relève-t-il avec malice.
Avec AFP