Les résultats provisoires du duel entre le président sortant et favori Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et l'opposant Soumaïla Cissé doivent être annoncés mercredi, selon une source officielle. Mais "d'ores et déjà, nous (les) rejetons", a lancé à ses partisans M. Cissé du balcon de son siège de campagne.
Le camp d'IBK doit s'exprimer mardi à 14 heures (locales et GMT) sur "les tendances qui se confirment", a indiqué une source dans l'entourage présidentiel, notant que M. Keïta prendra la parole jeudi.
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Le vainqueur entrera en fonctions le 4 septembre avec la lourde tâche de relancer l'accord de paix conclu en 2015 avec l'ex-rébellion à dominante touareg, dont l'application accumule les retards, dans ce vaste pays du Sahel toujours confronté à la menace jihadiste malgré cinq années d'interventions militaires internationales.
Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda, en grande partie chassés ou dispersés par une intervention militaire lancée en janvier 2013 à l'initiative de la France, qui se poursuit actuellement. Malgré l'accord de paix, les violences ont persisté et ont progressé vers le centre et le sud du pays, puis au Burkina Faso et au Niger voisins.
Accusant le camp d'IBK d'avoir profité de l'insécurité pour truquer le scrutin, M. Cissé a appelé lundi "tous les Maliens à se lever" face à ce qu'il qualifie de "dictature de la fraude". Cet ancien ministre des Finances a accusé le pouvoir d'avoir "attaqué" et mis hors d'usage le système de comptabilisation électorale de l'opposition alors qu'il était en tête selon lui.
"La responsabilité de ce qui va arriver dans le pays est dans le camp du président de la république", a averti M. Cissé.
A New York, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé "toutes les parties à conserver le calme jusqu'à la conclusion du processus électoral, (tout) en évitant les rhétoriques incendiaires". A Bamako, la mission d'observation électorale de l'UE a exhorté "les candidats à faire preuve de mesure" dans l'attente des résultats.
'Conditions acceptables'
Ni les observateurs de l'Union africaine, ni ceux de l'UE, n'ont constaté les "fraudes électorales" alléguées par l'opposition et rejetées en bloc par IBK qui accuse le camp adverse de "mise en scène".
"A ce stade", la mission de l'UA ne détient "aucun élément tangible" démontrant de quelconques irrégularités, a-t-elle déclaré lundi, jugeant que "cette élection s'est déroulée dans des conditions acceptables.
"Nos observateurs n'ont pas observé de fraudes mais des problèmes d'irrégularités procédurales", comme "deux cas de procès- verbaux présignés et préremplis" avant la fin du scrutin, a abondé mardi la cheffe de la mission d'observation européenne, Cécile Kyenge.
Des journalistes de l'AFP ont constaté dimanche que dans au moins six bureaux de vote de Bamako, les PV électoraux avaient été préremplis et signés avant même la fin du vote.
"Il n'appartient pas à la mission d'observation électorale de juger si les élections sont crédibles", a observé M. Kyenge, alors que l'UE est le premier bailleur international du Mali, avec 400 millions d'euros versés chaque année au budget de l'État.
Appel à la 'transparence'
Le second tour s'était déroulé dimanche dans un climat plus apaisé que le premier. Seuls 490 bureaux de vote - sur 23.000 - n'ont pu ouvrir, soit moitié moins que le 29 juillet, selon le ministre de la Sécurité, Salif Traoré. Ce succès est dû selon lui à la "montée en puissance" de l'armée qui avait déployé 36.000 hommes, 6.000 de plus qu'au premier tour.
La cheffe de la mission européenne a souligné les "améliorations" apportées par les autorités dans l'organisation du scrutin, tout en réitérant "ses appels à la transparence" pour la publication "dès que possible" de la liste détaillée des bureaux de vote fermés dimanche et l'intégralité des résultats provisoires, bureau par bureau.
Le gouvernement a seulement indiqué que la grande majorité des bureaux fermés (440 sur 490) étaient dans la région de Mopti (centre), en proie à des violences ethniques attisées par des groupes jihadistes. Les autres se trouvent dans le Nord où l'Etat est peu ou pas présent et où un président de bureau de vote a été tué par six jihadistes présumés.
Le scrutin s'est déroulé dans une relative indifférence de la population et l'appel lancé lundi par M. Cissé ne semble pas avoir été suivi. "Les gens sont désormais à la préparation de la tabaski", comme on appelle en Afrique de l'Ouest l'Aïd el-Kebir, relève l'analyste politique Souleymane Drabo. "Il faut acheter un mouton, l'élection est déjà en train de passer au second plan".
Avec AFP