C'est la première fois que Facebook met au ban des militaires ou des représentants gouvernementaux.
Pourtant, la Birmanie n'est pas le seul pays à agir ainsi. Un rapport de l'université d'Oxford a trouvé "des manipulations volontaires sur les réseaux sociaux" dans 48 pays, où agences gouvernementales ou partis politiques désinforment, disséminent des fausses nouvelles et exercent la censure".
Mais le réseau social a souligné qu'en Birmanie les circonstances sont exceptionnelles parce que Facebook y joue un rôle crucial dans l'accès à l'information pour une population qui n'a pu se brancher sur la toile que très récemment, après un demi-siècle sous régime militaire.
En raison de la prévalence du réseau --la Birmanie compte 18 millions de comptes Facebook pour une population de 51 millions d'habitants--, l'armée et des moines bouddhistes extrémistes birmans se servent abondamment de la plateforme pour diffuser leur propagande.
Parmi les pages bannies, figure notamment celle du général Min Aung Hlaing, le chef de l'armée.
"Mais nous reconnaissons que des gens dans d'autres parties du monde ont à faire face à des violences au quotidien et nous allons continuer à enquêter et à agir quand nous aurons assez d'éléments pour le faire", a souligné le groupe.
La Birmanie a fait savoir qu'elle avait pris contact avec Facebook afin d'en savoir plus sur cette décision.
L'annonce du réseau social coïncide avec la demande d'enquêteurs de l'ONU que la justice internationale poursuive le chef de l'armée birmane et cinq autres hauts gradés pour "génocide", "crimes contre l'humanité" et "crimes de guerre" à l'encontre des musulmans rohingyas.
Au total, ce sont 52 pages, suivies par 12 millions de personnes, qui ont été fermées, mais Facebook a indiqué que les données qu'elles contenaient ont été préservées.
Soulignant que Facebook s'est appuyé sur un rapport de l'ONU, Daniel Castro, vice-président du centre de réflexion Information Technology and Innovation Institute, remarque que ces entreprises ne sont pas forcément équipées pour enquêter elle-mêmes.
Mais il ajoute que les processus de l'ONU sont trop lents pour la vitesse de circulation sur les réseaux sociaux. "C'est à l'ONU ou à une autre organisation d'adapter ses processus à l'ère numérique et non pas aux réseaux sociaux de prendre en charge ce nouveau rôle", a affirmé M. Castro.
Si c'est la première fois que Facebook s'en prend ainsi à l'armée birmane, la plateforme a été accusée depuis des mois de ne pas réagir assez vite.
- Un monstre -
Les enquêteurs de l'ONU avaient jugé que Facebook était devenu "un monstre" en Birmanie et des groupes de défense de droits de l'homme reprochaient au réseau de mettre plusieurs jours à fermer un compte, laissant au contenu le temps d'être diffusé très largement et de devenir viral.
Le rapport de l'ONU dénonce lui aussi une réponse "lente et inefficace" de Facebook.
De manière générale les grands réseaux sociaux, Twitter, Facebook, Youtube, etc sont accusés de ne pas faire assez pour empêcher la propagation de fausses informations ou d'incitations à la haine et la violence.
Irina Raicu, directrice du programme d'éthiques sur internet de l'Université à Santa Clara University, soulève un autre problème en notant que Facebook semble avoir agi de façon préventive pour certaines des personnes bannies en Birmanie.
"C'est une façon de faire, bien plus proactive que ce que Facebook faisait auparavant et cela pose la question des critères appliqués pour désigner" ces individus, souligne t-elle.
Face aux critiques, le géant des réseaux sociaux s'est lancé ces derniers mois dans une grande campagne de communication admettant qu'il tardait trop souvent à éliminer les contenus incitant à la violence ou niant des atrocités.
Le patron et inventeur de Facebook, Mark Zuckerberg, a fait état des violences en Birmanie à plusieurs reprises y compris lors d'une audition devant le Congrès à Washington il y a quelques mois.
Il a expliqué aux élus américains que Facebook avait l'intention d'embaucher plus de gens parlant la langue et avait pris contact avec des acteurs de la société civile pour parvenir à détecter plus rapidement les auteurs de propos racistes ou d'appels à la violence.
Avec AFP