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Béa Diallo, député de Bruxelles et boxeur contre le djihad


Des livres sur le djihad dans une librairie de Jakarta, Indonésie, le 29 février 2008.
Des livres sur le djihad dans une librairie de Jakarta, Indonésie, le 29 février 2008.

De par sa couleur, il a appris le racisme. De par la boxe qu'il a pratiquée au plus haut niveau, la vertu de la discipline. Fort de ces leçons, Béa Diallo s'attache à comprendre ce qui pousse des jeunes à basculer dans le radicalisme islamiste. Et à les en dissuader.

"La boxe m'a permis d'être l'homme que je suis aujourd'hui", explique à l'AFP ce parlementaire belge d'origine africaine qui inculque le noble art dans un gymnase de Bruxelles.

"Et aujourd'hui j'essaye de transposer cette force et cet enseignement reçus à une génération parfois perdue, qui se cherche, qui a un sentiment de décrocher par rapport à la société", témoigne-t-il.

Né au Libéria d'un père guinéen et d'une mère sénégalaise, Béa Diallo, un musulman de 45 ans, a subi - et commis - des violences dans les rues de Paris et Bruxelles où son père était diplomate.

Il a été attaqué par des skinheads et l'un de ses amis a perdu un oeil lors d'une agression.

"C'est là vraiment qu'il y a eu une espèce de révolte chez moi, où je suis devenu hyper violent", se souvient-il.

Béa a eu "la rage" et a monté une bande à Bruxelles appelée "Les Justiciers".

Et de confier: "S'il y avait aujourd'hui le même contexte, le truc où des gens peuvent venir te laver un peu le cerveau, j'aurais pu me retrouver dans le djihad".

Pourtant, ce père de famille de quatre enfants a fait le chemin inverse, réalisant - à la lecture de Gandhi et Martin Luther King - qu'un jeune Noir n'irait nulle part avec la violence, même au nom de la justice.

A 16 ans, c'est à la boxe, école d'autodiscipline, qu'il se convertit. Pugiliste émérite, il a été champion du monde des poids moyens IBF à six reprises au tournant des années 2000. En 1998, il a battu l'Américain Rob Bleakley à Conakry (Guinée) devant 50.000 fans.

'Justiciers du monde'

Puis Béa Diallo est devenu un notable, député socialiste au Parlement de la région de Bruxelles-Capitale et premier échevin (adjoint au maire) de la commune bruxelloise d'Ixelles.

Il s'y occupe des dossiers de la jeunesse, de l'emploi et de l'insertion sociale.

Modèle d'"intégration réussie", on le voit souvent témoigner à la télévision.

Mais sa passion pour la boxe ne l'a jamais quitté. Il "coache" toujours au gymnase "Emergence XL", à Ixelles.

Il se sent "très proche" des jeunes de toutes extractions qu'il entraîne et dont certains sont vulnérables à la propagande djihadiste. Il partage le même continent, la même religion et le même héritage colonial qu'eux.

Après les séances de boxe, il lui arrive souvent de parler islam, radicalisme, djihad... avec les "gamins".

"Ils ont le sentiment que le monde est injuste, et donc qu'ils peuvent être les justiciers de ce monde. Ils pensent qu'en agissant de telle ou telle manière ils peuvent le changer", observe-t-il.

Proportionnellement à sa population (11 millions d'habitants), la Belgique est un des pays d'Europe qui fournit le plus de combattants à l'organisation Etat islamique (EI): 465 Belges sont actuellement en Syrie, en sont revenus ou ont tenté de la rejoindre, selon les derniers chiffres officiels.

Il est avéré que certaines salles d'arts martiaux en Belgique attirent des candidats au djihad.

Mais à Emergence XL, ils reçoivent une fin de non recevoir, assure Béa Diallo.

"La définition du djihad ce n'est pas d'aller tuer quelqu'un d'autre. Non, c'est le combat que j'ai mené pendant toute ma vie qui m'a permis de devenir quelqu'un. Et c'est ce travail là qu'on essaie de faire passer à travers notamment le sport", plaide-t-il.

Au lendemain des attentats du 22 mars à Bruxelles (32 morts), revendiqués par l'EI, il a réclamé une minute de silence dans son gymnase.

Certains faisaient la tête.

Il leur a demandé: "Pourquoi tu fais cette tête là? Tu sais qui est mort? Musulmans, chrétiens, juifs, arabes, noirs, blancs. Ils ont visé tout le monde. Ca aurait pu être ta mère, ton père, ton cousin, ta soeur"...

"Ce n'est pas le combat de l'islam contre l'Occident. C'est un combat contre vous tous. Ils auraient pu vous exploser tous".

Avec AFP

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