Avec le soutien du Tchad et du Cameroun, la contre-offensive régionale avait été lancée le 31 janvier, pour tenter de contrer les inexorables conquêtes du groupe islamiste dans le nord-est du pays.
Après la percée depuis le territoire camerounais d'un premier contingent tchadien sur les terres de Boko Haram, les armées nigérienne et tchadienne ont ouvert un nouveau front la semaine dernière, cette fois depuis le Niger, initiant un vaste mouvement en tenaille des zones sous contrôle de Boko Haram.
L'armée nigériane, qui s'est surtout illustrée ces derniers mois par ses défaites à répétition et sa faible combativité, assure jouer toute sa part dans ces vastes opérations militaires impliquant des milliers d'hommes et des centaines de véhicules, sur un théâtre grand comme la Belgique.
Mercredi, le gouvernement nigérian a affirmé avoir repris le contrôle de 36 localités du nord-est du pays. Abuja prétend également avoir "chassé" les islamistes de l'Etat d'Adamawa, l'un des trois Etats du pays --avec Borno et Yobe-- les plus durement frappés par l'insurrection islamiste.
Ces affirmations n'ont pas pu être vérifiées de source indépendante, les zones concernées étant quasi inaccessibles. Mais selon Thomas Hansen, de l'entreprise de conseil en sécurité Control Risks, elles sont "assez crédibles".
L'armée, qui se réfugiait encore récemment dans un silence embarrassé ou des communiqués en forme de grossière propagande, se réjouit aujourd'hui sur les réseaux sociaux de ces supposées "victoires".
Elle se garde bien à ce jour de commenter les informations de presse sur la présence de centaines de mercenaires sud-africains qui combattraient au côté des militaires nigérians, et joueraient un rôle clé dans les opérations de reconquête en cours.
Quant à la récente allégeance de Boko Haram au "califat" de l'Etat islamique --allégeance acceptée jeudi par l'organisation jihadiste basée en Syrie et en Irak--, elle serait "un acte de désespoir" des islamistes nigérians au moment où ceux-ci "enregistrent de lourdes pertes", selon un porte-parole du gouvernement.
- Présidentielle en ligne de mire -
A quinze jours d'une élection présidentielle qui s'annonce très serrée, ces avancées sur le terrain --qui restent à confirmer-- tombent à point pour le président Goodluck Jonathan, très critiqué pour n'avoir pas su juguler l'insurrection islamiste.
Alors "qu'on était jusqu'ici dans une narration très négative", le chef de l'Etat et son camp "peuvent désormais afficher des succès", estime Imad Mesdoua, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest pour la société de conseil Africa Matters à Londres.
Délaissant son célèbre chapeau noir et ses élégants costumes, le chef de l'Etat s'affiche désormais sur toutes les chaînes de télévision en tenue militaire, félicitant ses soldats sur le terrain.
Il promet que les Etats d'Adamawa et de Yobe seront "libérés" d'ici la semaine prochaine, et Borno, le fief historique de Boko Haram, d'ici trois semaines.
Initialement prévue à la mi-février, l'élection présidentielle avait été repoussée au 28 mars, les autorités mettant en avant la situation sécuritaire dans le nord-est.
Très controversé, ce report était intervenu opportunément alors que le président Jonathan était au coude à coude dans les sondages avec son principal rival Muhamadu Buhari, du Congrès progressiste (APC), qui paraissait même en position de l'emporter.
M. Buhari, qui a dirigé le Nigeria d'une main de fer à la tête d'une junte militaire au milieu des années 80, promet d'user de sa poigne pour lutter efficacement contre Boko Haram, et en a fait l'un de ses principaux messages de campagne.
Depuis lors, le Parti démocratique populaire (PDP) de M. Jonathan a repris l'initiative, bénéficiant d'une meilleure visibilité, et surtout de très importants moyens financiers pour faire campagne.
Mais pour profiter pleinement des retombées politiques des avancées militaires dans le nord-est, les autorités nigérianes vont devoir prouver que celles-ci ne sont pas toutes dues à l'intervention tchadienne.
La recrudescence des attentats dans les gares routières et les marchés fréquentés de nombreuses grandes villes du nord fait craindre également que Boko Haram ne privilégie la stratégie de la terreur, plus difficile à prévenir.
VOA/AFP